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Dévoilement des résultats d’une vaste étude sur les eaux souterraines de la Mauricie

Des chercheurs du Département des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) ont fait connaître aujourd’hui les résultats d’une vaste étude menée, au cours des quatre dernières années, sur les eaux souterraines du sud-ouest de la Mauricie.

Karine Lacasse, étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement, et les coordonnateurs de l’étude de caractérisation hydrogéologique du sud-ouest de la Mauricie, Yves Leblanc et Stéphane Campeau, professeur au Département des sciences de l’environnement. (Photo Daniel Jalbert)

Effectuée entre 2009 et 2013, cette étude a permis de réaliser une cartographie 3D des aquifères (formations géologiques contenant de l’eau) de la MRC de Maskinongé, des villes de Trois-Rivières et Shawinigan et de la municipalité de Notre-Dame-du-Mont-Carmel. Elle a aussi permis de mesurer la qualité des eaux souterraines et d’évaluer le volume de la recharge et des captages. Les résultats obtenus mènent à la formulation de plusieurs recommandations, afin de mieux protéger les eaux souterraines de la Mauricie et de les exploiter de façon durable.

Pour réaliser cette étude, l’équipe de chercheurs, dirigée par le professeur Stéphane Campeau, a notamment compilé des données historiques provenant de 6400 forages. Des travaux supplémentaires ont également été réalisés sur le terrain (relevés sismiques, forages, essais hydrauliques, mesures de niveau d’eau, etc.). De plus, l’eau de 243 puits privés et municipaux a été analysée.

Qualité de l’eau potable

L’étude a permis de constater que l’eau potable provenant des puits municipaux est, en général, de bonne qualité. Cependant, près de 40 % des puits domestiques de la Mauricie ne respectent pas les normes bactériologiques. En ce qui concerne plus spécifiquement les coliformes fécaux, 9 % des puits n’étaient pas conformes. Cette situation serait due, en partie, à une mauvaise installation et un entretien déficient des puits par les propriétaires, dont près de la moitié disent ignorer les procédures de nettoyage ou de décontamination. Il serait donc souhaitable de sensibiliser les propriétaires quant à l’aménagement de leur puits et la réalisation d’analyses régulières de la qualité de l’eau.

Outre les normes bactériologiques, 7 % des puits échantillonnés dépassaient une des normes reliées aux concentrations en fluorures, baryum et nitrates. Les dépassements en flurorures et baryum s’expliquent par des causes naturelles. Cependant, les concentrations élevées en nitrates seraient liées, entre autres, aux fertilisants agricoles. Les chercheurs recommandent donc d’apporter une attention particulière à l’épandage de ces fertilisants, surtout sur les sols sablonneux, afin de limiter le lessivage vers les nappes phréatiques alimentant des puits.

L’équipe de recherche a aussi constaté que 34 % des puits (résidentiels et municipaux) échantillonnés dépassaient la recommandation esthétique concernant le manganèse, alors que 20 % vont au-delà de la recommandation esthétique du fer. Ce problème, fréquemment observé à Trois-Rivières, pourrait être relié à la dégradation de matière organique en surface, en raison entre autres de la présence de milieux humides. Il est donc suggéré d’analyser la relation entre les milieux humides et les concentrations en manganèse et en fer, pour mieux comprendre la dynamique de ces métaux dans les aquifères et mieux planifier l’aménagement des puits municipaux.

Des dépassements esthétiques en chlorures (5 % des puits) et en sodium (3 %) ont aussi été observés. Dans le cas des nappes libres, ces résultats seraient liés à l’épandage de sels déglaçants, alors que dans les nappes captives, ces dépassements viendraient de la séquestration d’eau marine fossile de la mer de Champlain, il y a plus de 10 000 ans. Les chercheurs proposent donc de diminuer l’épandage de sels dans l’aire d’alimentation des puits ou de trouver des solutions alternatives aux pratiques actuelles de déglaçage.

Il est important de noter que l’eau analysée dans le cadre de cette étude était de l’eau brute alors que, bien souvent, tant pour les puits individuels que pour les puits alimentant des municipalités, un traitement visant à diminuer la présence de ces composés est appliqué avant que l’eau ne soit consommée.

Quantités exploitables

Le modèle géologique tridimensionnel élaboré par les chercheurs a permis de cartographier les limites des aquifères et leur volume. Les aquifères composés de dépôts meubles localisés dans le paléodelta de la rivière Saint-Maurice et dans les vallées du piémont sont les plus productifs et les plus exploités. Certains aquifères, peu exploités (ex. faille de Saint-Cuthbert), semblent aussi présenter un potentiel intéressant.

Stéphane Campeau est professeur au Département des sciences de l’environnement de l’UQTR.

Bien que les eaux souterraines soient abondantes, elles sont réparties de façon inégale sur le territoire. Certaines municipalités (Louiseville, Maskinongé, Saint-Sévère) ont peu ou pas d’aquifères, alors que d’autres possèdent des ressources importantes. Les municipalités de la Régie d’aqueduc de Grand Pré ont contourné ce problème en puisant l’eau où elle se trouve, pour la redistribuer régionalement.

Au total, 55 % de la population du territoire visé par l’étude est approvisionnée à partir des eaux souterraines. Le prélèvement annuel total d’eau, incluant les eaux de surface et les eaux souterraines, est de l’ordre de 100 millions de mètres cubes. Les prélèvements d’eaux souterraines représentent 20 % de ce total. Globalement, les ressources en eaux souterraines ne semblent pas surexploitées, leur prélèvement représentant environ 3 % de la recharge. Toutefois, localement, certaines nappes peuvent être à la limite de leur capacité. Les chercheurs recommandant donc d’assurer le suivi des niveaux d’eau des aquifères de la région, tout en analysant l’impact du régime des précipitations et des changements climatiques.

L’équipe de recherche a aussi observé que l’empiètement graduel de l’urbanisation sur les aquifères (pavage des rues, construction de bâtiments) réduit la surface d’infiltration nécessaire au renouvellement des ressources en eaux souterraines, tout en augmentant le risque de contamination. Il est donc proposé d’évaluer l’impact du développement urbain sur la recharge et la qualité des eaux souterraines, plus spécifiquement à Trois-Rivières.

Partenaires et site Web public

L’étude sur les eaux souterraines de la Mauricie a été réalisée dans le cadre du Programme d’acquisition de connaissances sur les eaux souterraines du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs. Le projet a été appuyé par plusieurs partenaires régionaux, obtenant notamment un soutien financier de la Conférence régionale des élus de la Mauricie et de la MRC de Maskinongé. La Commission géologique du Canada et la Ville de Trois-Rivières ont également participé à la réalisation des travaux sur le terrain.

Le rapport final de l’équipe de recherche est accompagné d’une trentaine de documents cartographiques et d’une base de données géoréférencées. Les données recueillies pourront être utilisées par les aménagistes, les organismes de bassins versants, les experts-conseils et les entrepreneurs en puits et forages. Un rapport vulgarisé destiné au grand public est également disponible sur le site Web suivant : www.uqtr.ca/geographie/hydro.