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La nanocellulose au service de la criminalistique

La criminalistique est une science s’intéressant aux traces physiques laissées par des activités criminelles ou accidentelles. Depuis septembre 2012, elle est enseignée à l’UQTR, notamment par le professeur Frank Crispino. Ce dernier, dans son programme de formation, souhaite permettre aux étudiants de se pencher, entre autres, sur les caractéristiques des projectiles d’armes à feu. Cependant, pour bien étudier ces projectiles, il faut pouvoir les récupérer intacts après des essais de tir. Souhaitant se doter des équipements nécessaires à cette récupération, le professeur Crispino s’est associé au Département de génie chimique de l’UQTR, pour le développement d’une solution originale répondant à ses besoins.

Les professeurs Frank Crispino (criminalistique) et Éric Loranger (génie chimique). (photo : Daniel Jalbert)

Les professeurs Frank Crispino (criminalistique) et Éric Loranger (génie chimique). (Photo : Daniel Jalbert)

«L’UQTR œuvre en partenariat avec les milieux professionnels de la sécurité, pour le volet balistique concernant les armes à feu et les tests de tir. Toutefois, l’Université ne dispose pas d’installations permettant de récupérer les projectiles tirés. Nous voulons donc nous doter d’un appareil capable de stopper les projectiles d’armes à feu sans les détériorer, pour pouvoir ensuite les étudier», explique le professeur Crispino.

Le type d’appareil envisagé par M. Crispino est appelé tunnel de tir pendulaire. Cette installation peut utiliser différents matériaux absorbants pour freiner les projectiles sans les abîmer. Parmi les substances servant de matrice d’absorption figurent les gels balistiques. Cependant, les gels actuellement disponibles présentent des inconvénients. Ils doivent notamment être utilisés à une température avoisinant 4 °C, ce qui en restreint et en complique l’usage, surtout à grande échelle.

En quête d’un nouveau matériau absorbant, le professeur Crispino a découvert les possibilités offertes par la nanocellulose, en fréquentant les membres du Centre de recherche sur les matériaux lignocellulosiques (CRML) de l’UQTR. L’un d’entre eux, le professeur Éric Loranger (génie chimique), s’est intéressé de près aux besoins du professeur Crispino en matière de gel balistique, proposant d’explorer le potentiel d’utilisation de la nanocellulose modifiée.

«De façon naturelle, les fibres de nanocellulose forment rapidement un gel, et ce, même à des concentrations de l’ordre de 6 à 7% en poids. De plus, les gels de nanocellulose sont stables à la température de la pièce et jusqu’au-delà de 200 °C. Leur résistance à des températures élevées constitue également un atout, considérant la chaleur dégagée par la friction d’un projectile d’arme à feu. Tous ces éléments nous portent à croire qu’il est possible d’envisager l’utilisation des fibres de nanocellulose comme gel balistique dans un tunnel de tir pendulaire », commente le professeur Loranger.

La nanocellulose a aussi pour avantage de provenir de ressources renouvelables et d’être biodégradable. Elle constitue donc un matériau intéressant pour une éventuelle utilisation balistique, en raison de sa faible empreinte environnementale.

La nanocellulose

La nanocellulose peut être extraite du bois ou d’autres végétaux (ex. résidus agricoles). Elle est composée de minuscules fibres de cellulose de quelques nanomètres de diamètre, impossibles à observer à l’œil nu. Nouveau matériau prometteur, la nanocellulose intéresse l’industrie grâce à ses propriétés attrayantes : résistance, biocompatibilité, caractéristiques optiques, électriques et magnétiques, et plus. Elle peut se présenter sous divers aspects (pâte, gel, film transparent iridescent, etc.).

Les étapes du projet

Au CRML de l’UQTR, les professeurs Claude Daneault et Éric Loranger ont déjà développé une technique particulièrement performante de production de nanocellulose (par oxydation chimique de la cellulose et utilisation d’ultrasons). Grâce à ce procédé, il est possible d’obtenir de la nanocellulose sous forme de gel. Cependant, ce gel ne possède pas encore les caractéristiques souhaitées (ex. résistance) pour un usage balistique.

«Nous devrons modifier la structure chimique de ce gel de nanocellulose afin d’obtenir les propriétés physiques, mécaniques et thermiques recherchées, explique le professeur Loranger. Pour ce faire, nous ajouterons différents composés favorisant la formation de nouvelles liaisons chimiques. Nous devrons ensuite effectuer de nombreux tests sur les gels obtenus, pour vérifier par exemple leur résistance à la pression et à l’impact ou leur réaction à la chaleur. Nous les mettrons aussi à l’essai, dans un contexte balistique. Il nous faudra également optimiser nos procédés de fabrication pour en minimiser les coûts. Nous espérons ainsi en arriver à l’obtention d’un gel balistique performant de nanocellulose.»

Pour mener à bien ce projet de recherche novateur, les professeurs Crispino et Loranger bénéficieront de la collaboration d’étudiants en génie chimique et en criminalistique de l’UQTR.

Le tunnel de tir pendulaire

Un tunnel de tir pendulaire permet de freiner un projectile d’arme à feu en mouvement, sans l’endommager. L’appareil est constitué d’un tube suspendu par des câbles et rempli d’un matériau absorbant (eau, fibres de coton, etc.). Lorsque la balle pénètre dans le tunnel, elle est stoppée par ce matériau sur une distance relativement courte, sans être abîmée. De plus, l’énergie du projectile est absorbée grâce au mouvement de pendule du tunnel. Le projectile peut alors être récupéré complètement intact et il est possible d’y étudier les traces laissées par l’arme à feu.

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Le développement d’un gel balistique de nanocellulose n’est qu’une première étape dans les projets de collaboration établis entre le CRML et le volet criminalistique de l’UQTR.

«À plus long terme, nous voulons explorer d’autres possibilités de transformation de la nanocellulose, en lien avec les besoins en criminalistique. La nanocellulose peut s’avérer utile dans le domaine, par exemple, des empreintes digitales ou pour d’autres applications. Nous souhaitons donc consolider notre partenariat entre le génie chimique et la criminalistique au sein du CRML, pour pousser encore plus loin nos recherches. Cette collaboration interdisciplinaire sera sûrement profitable à tous les acteurs impliqués», d’ajouter le professeur Crispino.