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Évaluation d’un programme novateur d’intervention en toxicomanie en milieu carcéral

Depuis quelques années, la clientèle carcérale masculine de l’Établissement de détention de Québec (ÉDQ) bénéficie d’un programme d’intervention en toxicomanie offert par le Centre de réadaptation en dépendance de Québec (CRDQ). Ce programme, visant à aider les détenus aux prises avec des problèmes de consommation d’alcool ou de drogues, constitue une innovation au sein du réseau des centres de détention québécois. S’intéressant à cette initiative, l’étudiante Catherine Arseneault, doctorante en psychoéducation à l’UQTR, a mené une étude pour en évaluer les retombées.

Mme Catherine Arseneault, étudiante au doctorat en psychoéducation à l’UQTR. (photo : Daniel Jalbert)

Catherine Arseneault, étudiante au doctorat en psychoéducation à l’UQTR. (Photo : Daniel Jalbert)

«Le programme fournit l’occasion aux détenus de réfléchir à leurs habitudes de consommation pendant leur période d’incarcération, explique la chercheuse. Il leur permet aussi de s’outiller pour éviter la rechute et de s’orienter vers les ressources appropriées, une fois libérés. Offert dans un secteur réservé de la prison, le programme peut accueillir 14 participants à la fois. D’une durée de six semaines, il s’intègre à un programme de réinsertion professionnelle et propose, en alternance, des activités scolaires et thérapeutiques. Le volet d’intervention en toxicomanie aborde différents thèmes : développement d’attitudes prosociales, hygiène et habitudes de vie, gestion des émotions, affirmation et estime de soi, prévention de la rechute, impulsivité et agressivité, relations interpersonnelles et motivation au changement.»

Cueillette des données

Pour évaluer l’efficacité du programme, Mme Arseneault a constitué deux groupes de participants. Le premier, appelé groupe expérimental, était composé de détenus de l’ÉDQ profitant du programme d’intervention en toxicomanie. Le second, nommé groupe contrôle, comprenait des détenus de l’Établissement de détention de Trois-Rivières possédant les mêmes caractéristiques que le groupe expérimental, mais n’ayant pas accès au programme d’intervention. La comparaison des résultats d’évaluation des deux groupes allait permettre à l’étudiante de vérifier si le programme d’intervention en toxicomanie fait une différence et entraîne les effets positifs escomptés.

«J’ai effectué ma collecte de données entre 2011 et 2013. Au total, j’ai pu obtenir la participation de 80 détenus à Québec et de 70 à Trois-Rivières. Le protocole de recherche prévoyait trois rencontres à différents moments avec chaque participant, soit au début, à la fin et six mois après le programme d’intervention. À chaque entrevue, j’ai utilisé plusieurs questionnaires d’évaluation mesurant, par exemple, la gravité de la toxicomanie, le pouvoir d’agir personnel, l’impulsivité, la détresse psychologique, le soutien social perçu, la motivation au changement ou l’utilisation des services disponibles. Ces éléments permettent d’établir un portrait de la consommation et des autres sphères de vie des répondants», mentionne la chercheuse.

PageNouvelliste7Nov2013L’étudiante a su relever plusieurs défis pour mener à bien son projet. Elle a dû s’adapter aux règles de sécurité du milieu carcéral, jongler avec les imprévus dans l’horaire des détenus et retrouver les participants de l’étude, une fois ceux-ci sortis de prison. «Mais surtout, il a fallu gagner la confiance des répondants et s’assurer de leur collaboration, en insistant notamment sur la confidentialité des données et la neutralité des personnes menant l’étude. J’ai également veillé à vulgariser l’information et à bien expliquer les questions», souligne Mme Arseneault.

Qualifiant son expérience de riche et instructive, la chercheuse souligne que la majorité des détenus sollicités ont accepté de participer à l’étude, se montrant extrêmement généreux dans leur contribution, autant à Québec qu’à Trois-Rivières. Les personnes interrogées ont manifesté une ouverture remarquable à la recherche, malgré les questions parfois intimes qui leur étaient posées. Plusieurs répondants ont mentionné qu’ils étaient heureux de se rendre utiles, espérant que leur participation puisse aider d’autres détenus et contribuer à l’amélioration des services. Les intervenants des deux centres de détention ont aussi grandement facilité le travail de l’étudiante, se montrant enthousiastes envers le projet.

Résultats et retombées

Les analyses statistiques de l’étude menée par Mme Arseneault sont présentement en cours. Les résultats devraient fournir un éclairage sur les points forts et les points faibles du programme d’intervention en toxicomanie offert à l’ÉDQ.

«Nous souhaitons que notre étude permette notamment de cibler les changements nécessaires pour mieux répondre aux besoins de la clientèle carcérale. Nous espérons aussi qu’elle apporte des arguments en faveur de l’implantation du programme dans d’autres établissements de détention du Québec. De plus, les résultats seront livrés à la communauté scientifique et aux milieux de pratique. Cette transmission favorisera l’avancement des connaissances, encore trop peu nombreuses sur l’efficacité des programmes luttant contre la toxicomanie en milieu carcéral», rapporte Mme Arseneault. Cette dernière se dit passionnée par son sujet de recherche et motivée par le fait de pouvoir améliorer la réinsertion sociale des détenus.

Membre de la première cohorte d’étudiants au doctorat en psychoéducation de l’UQTR, Mme Arseneault mène ses travaux sous la direction des professeurs Chantal Plourde et Marc Alain, du Département de psychoéducation. Son étude s’inscrit à l’intérieur d’un vaste projet de recherche subventionné par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), intitulé Évaluation des effets et bilan de l’implantation du programme d’intervention en toxicomanie offert par le Centre de réadaptation en dépendance de Québec à l’Établissement de détention de Québec.

 

Détenus et toxicomanie

Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies estime que 54 % des détenus fédéraux et un nombre semblable de détenus provinciaux avaient abusé de l’alcool ou des drogues le jour où ils ont commis leur délit.

Le Service correctionnel du Canada estime que presque 7 détenus fédéraux sur 10 ont un problème de toxicomanie.

Source : site Web de l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec