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Des soins du développement pour les bébés prématurés

Lorsqu’un bébé naît prématurément, il n’est pas encore prêt à affronter le monde extérieur et l’unité de soins néonatale, car son corps et ses sens sont insuffisamment développés. Cette situation peut entraîner des difficultés d’adaptation chez l’enfant, de même que des problèmes neurologiques à court et à long terme. Afin d’offrir des conditions de croissance optimales aux nouveau-nés prématurés et réduire leur stress postnatal, une nouvelle approche a vu le jour : les soins du développement. Au Québec, la professeure Marie-Josée Martel, du Département des sciences infirmières de l’UQTR, est l’une des rares spécialistes à offrir une formation en français portant sur les soins du développement.

Mme Marie-Josée Martel, professeure en sciences infirmières et membre du Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille de l’UQTR. (photo : Daniel Jalbert)

Marie-Josée Martel, professeure en sciences infirmières et membre du Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille (CEIDEF) de l’UQTR. (photo : Daniel Jalbert)

«Dans notre système de santé, les soins du développement sont encore en émergence. Les précurseurs dans ce domaine demeurent les États-Unis, qui s’y intéressent depuis le début des années 80. L’approche des soins du développement vise à aider les professionnels de la santé et les parents à comprendre le langage et les signaux corporels des bébés prématurés, dans le but de protéger ces enfants et de leur offrir un environnement maximisant leur adaptation à la vie extra-utérine. Cette philosophie de soins permet non seulement d’optimiser le développement du nouveau-né, mais aussi de prévenir certaines complications neurodéveloppementales», d’expliquer Mme Martel.

Protéger les sens et analyser les comportements

Le cerveau d’un bébé prématuré, encore en développement, est modelé par les sensations de l’environnement (mouvements, lumière, bruits, etc.). Il faut donc protéger le nouveau-né en diminuant ces stimuli, pour recréer autant que possible le confort du milieu utérin. Chaque sens (vue, ouïe, odorat, toucher, goûter) se développe suivant des chronologies différentes. Il importe de respecter l’émergence de ces sens afin de les protéger puis, dans un deuxième temps, de les stimuler adéquatement.

«Outre ces précautions, les soins du développement se préoccupent aussi des comportements de l’enfant, lesquels sont significatifs et constituent une forme de communication. Ces comportements demeurent le meilleur indicateur de la qualité et de l’impact de l’environnement sur le développement neurologique de l’enfant. Lorsque les parents arrivent à comprendre les comportements de leur enfant, ils grandissent en compétence», ajoute la professeure Martel.

Les signaux corporels et les agissements du bébé prématuré sont autant de réactions indicatrices tantôt de stress, tantôt d’adaptation. Par exemple, un rythme cardiaque instable, une couleur de peau anormale, des membres en extension, un sommeil agité, un regard paniqué ou un soupir peuvent indiquer un état de stress chez le nouveau-né. D’autre part, des mains ou pieds enlacés, une digestion stable, une succion, un sourire, un roucoulement ou une interaction avec les parents et soignants fournissent des indices d’adaptation chez l’enfant.encadre capture

«Lors de réactions de stress chez le bébé, les intervenants doivent s’assurer de faire une pause, d’observer et de faciliter le retour au calme du nouveau-né, souligne Mme Martel. Il faut respecter les signes de stress et reconnaître les signes d’adaptation, car l’enfant nous parle à travers ses gestes, ses cris et ses mimiques. Les parents et les professionnels de la santé doivent aussi ajuster leurs stratégies de soins pour améliorer le bien-être du bébé prématuré.» (voir encadré)


Avantages probants

Aux États-Unis, les études démontrent que la mise en application des soins du développement entraîne des bénéfices : diminution de la durée d’hospitalisation et des complications médicales chez les bébés prématurés, baisse des coûts d’hospitalisation ainsi qu’amélioration des paramètres cognitifs chez les enfants (moins de problèmes comportementaux et de troubles envahissants du développement).

«À court terme, les soins du développement améliorent l’organisation du nouveau-né prématuré sur plusieurs points, ce qui amène par exemple une meilleure oxygénation ou moins de journées d’hospitalisation. À long terme, cette approche favorise l’attachement parent-enfant. De plus, les soins du développement permettent de placer la famille au cœur des interventions», signale Mme Martel.

Formation dans les milieux de soins

Depuis 2007, la professeure Martel, en compagnie de l’infirmière praticienne Isabelle Milette (CHU Sainte-Justine), a formé de nombreux intervenants du domaine de la santé (infirmières, médecins, thérapeutes, etc.) à l’approche des soins du développement. Les deux collaboratrices ont transmis leur savoir par des activités de formation continue à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, lors de congrès ainsi qu’au sein de plusieurs hôpitaux québécois et même à l’île de La Réunion. Elles commencent également à recevoir des demandes de formation en provenance de l’Europe.

«Le domaine des soins du développement évolue très vite. Il faut se tenir à jour régulièrement, notamment par la participation à des formations ou des congrès aux États-Unis. Mais tout ce travail en vaut réellement la peine quand on constate les bienfaits des soins du développement, à la fois pour les bébés, leurs parents et les intervenants en santé. Ces derniers nous disent d’ailleurs qu’ils ne pourraient plus retourner en arrière, après leur formation en soins du développement», se réjouit Mme Martel.


En 2006, la professeure Martel et l’infirmière Isabelle Milette ont publié le premier livre de langue française portant sur les soins du développement. Une deuxième version de cet ouvrage, complètement renouvelée, paraîtra en 2015 aux Éditions du CHU Sainte-Justine. Mmes Martel et Milette lanceront également un autre livre en 2015 intitulé Tisser des liens pour la vie à l’unité néonatale. Ajoutons que la professeure Martel est coauteure d’un livre sur l’examen clinique du nouveau-né (Éditions du CHU Sainte-Justine, 2014), réalisé en collaboration avec Mmes Catherine Cantin, Francine Letendre et Isabelle Milette.