Conférence par Jean-Luc Guichet, Université de Picardie Jules Verne (France)
Le XVIIIe siècle est un moment décisif voire matriciel dans la construction du moi moderne. Porté par les nouvelles perspectives matérialistes et surtout empiristes, le moi ne se définit plus en effet à partir d’un noyau substantiel comme au siècle passé mais se conçoit désormais comme un devenir ou plus précisément une formation.
L’environnement – entendu comme l’ensemble, artificiel ou naturel, de ce qui entoure l’individu – joue inévitablement un rôle majeur dans cette construction. Tout, dès lors, acquiert une potentialité éducative puisque participant à cette construction. L’éducation proprement dite en apparaît transformée. Elle ne peut plus se réduire à l’action volontaire et essentiellement verbale d’adultes à l’égard d’enfants mais est tenue d’intégrer l’ensemble du rapport au réel.
Peu d’auteurs des Lumières franchissent pourtant le pas entre les prémisses empiristes qui commandent toute leur pensée et les applications éducatives qui en découlent quasi naturellement. C’est l’«éducation par les choses» que Rousseau développe dans l’Émile qui tirera toutes les conséquences de cette révolution moderne du moi, cela non pour annoncer une dépendance constitutive et irréversible de l’individualité mais, tout au contraire, pour poser les conditions d’une véritable autonomie.