De nombreuses études le démontrent : le rire et l’humour sont bénéfiques pour la santé physique et psychologique, facilitant la gestion du stress et de la douleur. Cette constatation incite de plus en plus d’hôpitaux à faire appel aux services de clowns thérapeutiques, afin d’alléger la tristesse ou les tensions vécues en raison de la maladie. Mais qui sont ces personnes pratiquant le métier de clown thérapeutique? Pour éclairer ce sujet, jusqu’à présent peu investigué par les chercheurs, l’étudiante Vanessa Comtois, doctorante en psychologie à l’UQTR, a collaboré à un projet de recherche pour mieux connaître ces clowns et leur pratique.
« Pour réaliser cette étude, nous nous sommes intéressés tout particulièrement à Dr Clown, un organisme sans but lucratif créé en 2002 et basé à Montréal, Québec et Toronto. Cette organisation a pour objectif de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des personnes hospitalisées en réduisant leur niveau de stress par la complicité, le jeu et l’imaginaire. Les membres de l’équipe de Dr Clown travaillent surtout avec les enfants, mais aussi avec les personnes âgées en centre d’hébergement », rapporte l’étudiante.
Une pratique encadrée
En étudiant les conditions de travail des clowns thérapeutiques, Mme Comtois a constaté que des règles formelles régissent la pratique de ce métier. Œuvrant en équipe de deux, les clowns conservent toujours le même personnage et le même nom (ex. : Dr Wow, Dr Oups). Ils revêtent le sarrau médical et portent un nez rouge, sans maquillage ni perruque susceptibles d’effrayer certains enfants.
« Les personnes embauchées comme clowns thérapeutiques sont choisies pour leurs qualités artistiques et émotionnelles, souligne Mme Comtois. La plupart sont formées en théâtre, comédie ou arts du cirque. Elles doivent aussi suivre une formation continue dans différents domaines : jeu théâtral, interaction sociale, règles d’hygiène reliées à la santé, etc. De plus, leur pratique est soumise à un code formel de déontologie. »
Les clowns réalisent un travail à la fois artistique et psychosocial, utilisant divers moyens d’intervention : raconter une histoire, réciter une comptine, jouer d’un instrument de musique, souffler des bulles… Ils amènent le rire et la détente, apaisant ainsi une personne malade, les membres de sa famille ou le personnel soignant. Leur action peut aussi contribuer à diminuer le stress avant une opération médicale.
« L’intervention du clown n’est ni un spectacle pour montrer ses talents, ni une simple animation. Chaque action auprès d’un patient est bien préparée et vise un but précis. Toutefois, il ne s’agit pas d’une thérapie : il n’y a pas d’exigence de résultats pour le patient. Ce dernier peut choisir ou non de recevoir la visite du clown thérapeutique, celle-ci n’étant jamais forcée », note l’étudiante.
Qui sont ces clowns?
L’équipe de recherche, dirigée par les professeures Colette Jourdan-Ionescu (psychologie, UQTR) et Florence Vinit (psychologie, UQAM), a également fait remplir divers questionnaires à une quinzaine de clowns thérapeutiques. Ces derniers se sont révélés être des hommes et des femmes d’âge varié (jusqu’à la soixantaine), possédant différents diplômes d’études (du secondaire à l’université). Certains sont novices dans le métier alors que d’autres affichent jusqu’à 14 ans d’ancienneté, la moyenne d’expérience se situant à 5 ans. La plupart pratiquent comme clown thérapeutique à temps partiel (15 heures par semaine en moyenne), ce qui leur permet de se ressourcer et d’être au meilleur de leur forme, lors de leurs interventions. L’étude a aussi révélé que les clowns thérapeutiques semblent posséder un plus grand sens de l’humour et un style d’humour moins agressif que la population en général.
Qu’est-ce qu’un clown thérapeutique?
Artiste professionnel, le clown thérapeutique est formé en art clownesque et relations humaines afin de travailler en milieu hospitalier et dans les centres d’hébergement. Il s’adapte aux conditions ambiantes et aux particularités des patients pour favoriser le rire et la détente et aider les personnes à apprivoiser un environnement inhabituel et stressant. Pour faire tomber les barrières, il utilise l’humour, le jeu et la tendresse. Il s’intègre au monde des soins par la connaissance de l’état psychologique et physique des pathologies rencontrées et par l’apprentissage du respect des règles d’hygiène.
– Source : site Web de l’organisme Dr Clown
« En ce qui concerne la satisfaction reliée à leur métier, les clowns nous ont dit éprouver un grand bonheur de pouvoir divertir et faire rire les malades, leur famille et les équipes soignantes, tout en leur faisant oublier la maladie pour quelques instants. Ils affirment unanimement que l’humour engendre de nombreuses retombées positives : diminution de la tension, du stress, de la détresse, de la souffrance et du sentiment de solitude, de même qu’une augmentation du sentiment de bien-être et de détente. Ils ont constaté que le rire active le cœur et constitue un bon exercice respiratoire », mentionne Mme Comtois.
Les clowns thérapeutiques interrogés ont également recensé des difficultés propres à leur métier. Certains ont dit se heurter, parfois, à l’incompréhension des équipes soignantes. D’autres qualifient d’exigeant le travail nécessaire à l’établissement d’une relation de confiance et de complicité approfondie avec leur partenaire de jeu. Plusieurs mentionnent aussi la difficulté de se renouveler constamment, pour mieux répondre aux besoins de la clientèle.
« Malgré un échantillon restreint, cette étude nous apporte de nouvelles connaissances dans un domaine encore peu exploré. Pour la suite des travaux de recherche, il pourrait être intéressant d’observer les clowns dans leur lieu de travail ou d’obtenir les commentaires des patients et des équipes soignantes », suggère Mme Comtois.