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Améliorer les traitements de la douleur chronique grâce à l’étude du système nerveux

La douleur chronique est définie comme une douleur persistant au-delà du délai normal de guérison. Elle affecte une proportion importante de la population et constitue un enjeu majeur pour le système de santé. Contrairement à la douleur aiguë, la douleur chronique demeure difficile à soigner puisque les traitements actuels se révèlent souvent inefficaces ou n’apportent qu’un soulagement partiel. Pour améliorer les stratégies d’intervention auprès des personnes atteintes de douleur chronique, le neurophysiologiste Mathieu Piché, professeur au Département de chiropratique de l’UQTR, s’intéresse aux mécanismes du système nerveux impliqués dans la modulation de la douleur.

« Ces mécanismes font intervenir différents processus physiologiques opérant dans la moelle épinière et le cerveau, en agissant comme un filtre, explique le chercheur. Ces processus permettent ainsi un ajustement de la transmission de l’information associée à un stimulus douloureux et, par conséquent, de la perception de la douleur. Leur dysfonction peut donc mener à une perception mal adaptée de la douleur et à la douleur chronique. Cependant, les mécanismes de cette dysfonction sont encore mal définis. C’est pourquoi nous menons des projets de recherche qui nous permettront de mieux comprendre les mécanismes de modulation de la douleur et de développer de meilleurs traitements pour les personnes atteintes de douleur chronique. Plus particulièrement, nous nous intéressons aux maux de dos et de tête chroniques, ainsi qu’au syndrome de l’intestin irritable. »

Recherche de pointe

M. Mathieu Piché, professeur au Département de chiropratique et titulaire de la Chaire de recherche UQTR en neurophysiologie de la douleur.

Pour réaliser ses projets, le professeur Piché fait appel à deux groupes de participants volontaires : un groupe témoin, composé de gens en santé n’éprouvant pas de douleur chronique, et un groupe expérimental formé de personnes aux prises avec des douleurs chroniques. En identifiant les processus physiologiques impliqués dans la douleur chez les membres du premier groupe, le chercheur peut ensuite examiner ce qui ne fonctionne pas normalement au sein du groupe expérimental.

« En utilisant des interventions non pharmacologiques qui font diminuer la douleur expérimentale chez nos participants, nous déclenchons des mécanismes analgésiques naturels dans leur cerveau. Pour identifier les zones du cerveau impliquées dans ces processus analgésiques, nous utilisons deux méthodes d’imagerie cérébrale. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle nous permet de caractériser l’activité cérébrale, alors que la tomographie par émission de positons permet d’étudier les systèmes neurochimiques du cerveau en utilisant des traceurs radioactifs », rapporte M. Piché.

Du Québec… au Japon

Les projets en imagerie par résonance magnétique sont effectués au Centre de recherche de l’institut universitaire de gériatrie de Montréal. Le chercheur y obtient des images montrant les changements d’activité du cerveau des participants, lors d’un épisode douloureux. Pour les tests en imagerie par émission de positons (particules de charge électrique positive, de même masse que l’électron), le professeur Piché se tourne vers l’Institut métropolitain de gérontologie de Tokyo, l’un des meilleurs centres au monde dans le domaine.

Image illustrant l’activité du cerveau pendant la perception de la douleur. À noter: l’activation du thalamus, du cortex somesthésique primaire (SI) et du cortex cingulaire antérieur (CCA).

« Je travaille depuis quelques années avec les chercheurs de cet institut. L’un de leurs chimistes a développé une molécule spécifiquement pour mon projet de recherche. Ce traceur radioactif, une fois injecté dans le corps humain, se fixe sur des récepteurs spécifiques du cerveau impliqués dans la douleur. Grâce à l’imagerie par émission de positons, nous pouvons ensuite localiser les endroits où la substance s’est fixée dans le cerveau, à quelques millimètres près. Pour cette partie de notre expérience, réalisée au Japon, nous recruterons nos participants volontaires au sein de la population japonaise », de mentionner le chercheur. Ce dernier se trouve d’ailleurs actuellement au Japon pour y poursuivre ses recherches, jusqu’à l’été prochain.

Des soins mieux ciblés

Outre les mécanismes physiologiques, le professeur Piché s’intéresse à l’aspect psychologique de la douleur. « Avoir mal est une expérience subjective conditionnée par plusieurs facteurs psychologiques. Il faut donc en tenir compte dans nos travaux de recherche et évaluer l’impact de ces facteurs sur la douleur chronique », souligne-t-il.

En ajoutant aux connaissances sur les mécanismes de la douleur, le chercheur veut contribuer au développement de meilleures approches thérapeutiques. « Ce type de recherche sur l’analgésie endogène, c’est-à-dire le traitement de la douleur par le corps lui-même, est crucial pour trouver de meilleurs traitements. Grâce aux résultats obtenus, nous espérons développer des approches mieux ciblées. Une intervention personnalisée pour chaque patient serait certainement le traitement idéal », de commenter le professeur Piché.

Quelques statistiques…

Selon les résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2007-2008, environ 1 Canadien sur 10 (âgé de 12 à 44 ans) souffre de douleur chronique, soit 9 % des hommes et 12 % des femmes. Les problèmes de santé chroniques associés à la douleur les plus courants sont les maux de dos et la migraine.

La prévalence de la douleur chronique augmente avec l’âge : chez les 12 à 17 ans, 2 % des hommes et 6 % des femmes disent éprouver de la douleur chronique; dans le groupe des 35 à 44 ans, les chiffres correspondants sont 14 % et 17 %.

(source : Statistique Canada)

Pour atteindre ses objectifs, le chercheur est entouré de plusieurs étudiants de cycles supérieurs, se joignant à son équipe pour des projets réalisés ici et au Japon. Il travaille également avec des chercheurs du Groupe de recherche sur les affections neuro-musculo-squelettiques et du Groupe de recherche en neurosciences de l’UQTR, et bénéficie de la collaboration de chiropraticiens et de gastroentérologues.