Cette chronique coïncide avec le début de mon cours sur la géopolitique de l’Amérique latine dans le cadre de la programmation automnale de l’UTA (Université du Troisième Âge) de l’UQTR. Au Venezuela, l’élection présidentielle du 7 octobre 2012 est d’une grande importance, à la fois pour le peuple de ce pays et pour l’ensemble des peuples du continent latino-américain. En effet, il s’agit ici de l’affrontement entre deux modèles de développement socioéconomique pour nos voisins au sud du Río Grande.
Depuis une vingtaine d’années, l’Amérique latine a pris le chemin de l’ouverture démocratique, suite à trois décennies de régimes autocratiques, le plus souvent militaires. Mais ce changement a emprunté plusieurs chemins, notamment la social-démocratie de centre-gauche (Chili, Brésil, Argentine, Uruguay) et le socialisme révolutionnaire et « indigéniste » (Venezuela, Équateur, Bolivie, Pérou, Nicaragua).
Le régime du président vénézuelien Hugo Chavez, au pouvoir depuis 14 ans, entre dans la deuxième catégorie. Celle-ci prône le Socialismo del Siglo XXI (socialisme du XXIème siècle) et regroupe une majorité des pays de cette catégorie au sein d’une Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América (Alliance bolivarienne pour les Amériques – ALBA), laquelle a étéfondée en 2005. Avec la Constitution de 1999, Chavez a adopté le nom de « Révolution Bolivarienne » pour son programme politique (Simon Bolivar était l’un des artisans de l’indépendance latino-américaine; la monnaie nationale du Venezuela est le Bolivar).
Chavez vient d’être réélu pur un nouveau mandat de six ans. Il se veut le président de tous les Venezueliens. Un de ses slogans est El gobierno es de todos, qui signifie Le gouvernement appartient à tous, sous-entendu non seulement aux classes possédantes. Pour les classes populaires, pour les défavorisés, Chavez est idolâtré. Depuis les débuts de son régime, il a utilisé les « pétrodollars » (le Venezuela est le cinquième producteur mondial de pétrole et le premier détenteur mondial de réserves pétrolières) pour lancer un grand nombre de programmes sociaux (les « Misiones » – logements à loyer modique, banques alimentaires, construction d’écoles, alphabétisation, soins de santé accessibles à tous).
L’envers de la médaille est que son régime contrôle une bonne partie de l’économie, avec pour conséquence une corruption et un népotisme généralisés, selon ses adversaires. Malgré toute la manne pétrolière, la pauvreté touche encore plus du quart des Venezueliens, et le pays connaît une forte inflation (environ 20 pour cent) et des pannes de courant et autres pénuries de biens essentiels. Les inégalités se sont réduites depuis quinze ans, mais l’affrontement entre classes populaires et bourgeoisie possédante a pour conséquence un fort taux de criminalité, l’un des plus élevés du continent.
En somme, le Venezuela est un pays polarisé politiquement et socialement. Pour ses adversaires, Chavez est l’homme à abattre, pour ses partisans un grand leader dans la continuité de Simon Bolivar. Son adversaire lors de l’élection du 7 octobre, Henrique Capriles, avait cependant réussi à rallier tous les partis d’opposition et promis, s’il était élu, de poursuivre les programmes sociaux mis en place par le régime Chavez.
Pour l’Amérique latine en général, l’enjeu vénézuelien est capital. Quelle voie le continent doit-il choisir au cours des années à venir, entre un socialisme pur et dur, et une social-démocratie plus modérée? Autrement dit, entre le modèle prôné par Hugo Chavez et celui adopté par l’ancien président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva? En 2012, les pays démocratiques de l’Amérique latine sont partagés entre ces deux modèles.
Hugo Chavez, l’insubmersible / Reportage LCI TF1
Les références de notre blogueur :
www.radio-canada.ca/sujet/elections-venezuela-2012 : Dossier spécial de Radio-Canada sur l’élection présidentielle du 7 octobre 2012.
fr.wikipedia.org/wiki/Venezuela : Article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia sur le Venezuela.
america-latina.blog.lemonde.fr : Blogue du 8 octobre 2012 sur le Venezuela d’après la réélection de Chavez.
internacional.elpais.com/tag/latinoamerica : Couverture très étoffée de la politique latino-américaine par le grand quotidien espagnol.