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Le bouddhisme au Québec : comprendre la culture d’un temple par sa pratique

Le bouddhisme a été fondé en Inde au 5e siècle avant Jésus-Christ par Siddharta Gautama (dit le Bouddha). Cette religion a ensuite franchi les frontières de l’Asie, il y a environ 150 ans, se développant en différentes branches avant d’atteindre l’Occident. Au cours des 30 dernières années, notre région du globe a connu une recrudescence des groupes et centres bouddhistes, un phénomène intéressant plusieurs chercheurs. Cependant, peu d’études ont été consacrées à la pratique du bouddhisme chez les Québécois. S’attaquant à cette question, l’étudiante Nancy Leclerc, doctorante en études québécoises à l’UQTR, mène un projet de recherche sur la pratique du bouddhisme tibétain au sein d’un temple de la région de Montréal.

«Pour comprendre la culture bouddhiste d’un temple au Québec, je me suis intéressée à la pratique des pratiquants. J’ai ciblé le bouddhisme tibétain – une branche de cette religion bien connue en Occident – en choisissant un temple québécois où la communauté tibétaine est fortement présente et où se pratique toute une gamme d’activités: méditations, prières, enseignements et grandes célébrations. Je me suis attardée tout particulièrement à la culture de ce temple bouddhiste en étudiant trois groupes de pratiquants de différentes origines : tibétaine, vietnamienne et québécoise», explique l’étudiante.

Choisir le bouddhisme

En interrogeant certains pratiquants non tibétains du temple, Mme Leclerc a constaté que les Québécois ont choisi le bouddhisme pour combler des besoins non satisfaits par la religion catholique. «Ces Québécois n’ont pas trouvé ce qu’ils cherchaient dans le catholicisme, ce qui les a ouverts à d’autres croyances. La plupart sont arrivés au bouddhisme tibétain par hasard ou grâce à un élément déclencheur, et non en “magasinant” leur religion parmi les choix offerts», constate-t-elle.

Nancy Leclerc, étudiante au doctorat en études québécoises.

Les pratiquants d’origine québécoise se disent interpellés par les valeurs véhiculées par le bouddhisme tibétain, telles que le respect et la compassion. Ils apprécient également la notion de karma, suivant laquelle il faut bien agir dans cette vie, car elle aura un impact sur la suivante (principe de réincarnation). Ils aiment que la pratique du bouddhisme leur permette de s’appuyer sur leur sens critique et, par conséquent, de faire des choix sur ce qu’il leur convient le mieux, sans ressentir qu’on leur impose quoi que ce soit.

De leur côté, les Vietnamiens interrogés disent pratiquer surtout le bouddhisme tibétain pour atteindre la bouddhéité (l’éveil), la dernière étape du cycle de réincarnation. Le bouddhisme tibétain leur offre aussi une notion supplémentaire, absente du bouddhisme vietnamien, soit la possibilité de venir en aide à tous les êtres vivants par le biais de leur pratique.

Le bouddhisme s’occidentalise

Dans ses travaux, Mme Leclerc s’est également intéressée au fait que la religion bouddhiste change et évolue, au contact de l’Occident. Selon les résultats obtenus par d’autres chercheurs, le bouddhisme pratiqué dans nos contrées se révèle, entre autres, moins rigide et exigeant qu’en Asie. Il est aussi plus inclusif et égalitaire, donc moins hiérarchique. Le rapport élève-enseignant se démocratise, permettant aux pratiquants d’interroger les moines enseignants et de converser avec eux. Le bouddhisme d’ici est plus laïcisé (moins de moines, plus de pratiquants), féminisé et pragmatique (ex. : pratique axée davantage sur la méditation). Cette adaptation résulte d’une accommodation de la tradition bouddhiste visant à répondre aux besoins des Occidentaux.

«Certains de ces constats se confirment à l’intérieur de mon projet de recherche, mentionne Mme Leclerc. Même si le temple bouddhiste que j’étudie est reconnu comme étant traditionnel, des changements y ont été apportés pour s’adapter aux Québécois. Les enseignements des moines, récités en tibétain, sont traduits afin que les pratiquants non tibétains puissent les comprendre. De plus, l’enseignement s’interrompt à l’heure des repas pour permettre aux pratiquants de se restaurer. Le moine répond également aux questions des pratiquants après l’enseignement, ce qui est moins habituel dans la pratique traditionnelle bouddhiste. Les Vietnamiens d’origine influencent aussi certaines pratiques du temple, dont l’ajout du port de la robe de Dharma. Cette dernière, identifiant les personnes étudiant le bouddhisme, est majoritairement portée par des Vietnamiens et certains Québécois, mais rarement, pour ne pas dire jamais, par les Tibétains. »

Mme Leclerc a également noté des différences entre les groupes de pratiquants à l’intérieur du temple. Pour leur part, les Tibétains ne participent généralement qu’aux grandes célébrations, sans se présenter aux prières ou aux enseignements, avec lesquels ils sont possiblement déjà familiarisés depuis l’enfance. De leur côté, les Québécois et Vietnamiens d’origine, en apprentissage de la religion bouddhiste tibétaine, fréquentent toutes les activités du temple.

«Je poursuis maintenant mon projet de recherche afin de cerner les transformations personnelles, sociales et culturelles des Tibétains et non Tibétains pratiquant le bouddhisme dans ce temple montréalais. J’espère ainsi apporter un éclairage supplémentaire sur la pratique du bouddhisme en Occident», de conclure Mme Leclerc, qui réalise ses travaux sous la direction de la professeure Lucia Ferretti (Section d’histoire, Département des sciences humaines, UQTR) et du professeur Mathieu Boisvert (Département de sciences des religions, UQAM).

Quelques statistiques…

Les données de recensement indiquent qu’en 2001, quelque 300 000 Canadiens (soit 1 % de la population du pays) disaient adhérer à la religion bouddhiste. Ce nombre représente une augmentation de 84 % par rapport aux résultats obtenus dix ans plus tôt. L’immigration (particulièrement en provenance de l’Asie) serait un facteur clé à l’origine de cette hausse.

Au Québec, la religion bouddhiste comptait plus de 41 000 adhérents en 2001 (0,6 % de la population), pour une hausse de 31 % par rapport à 1991. La grande majorité de la population bouddhiste vivait dans la région métropolitaine de Montréal.

Source : Statistique Canada