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Le prix Nobel de la paix 2012 : pour quelle Union européenne?

Géopolitique

Le 10 décembre prochain, le Comité norvégien du prix Nobel décernera le Nobel de la paix 2012 à l’Union européenne, une décision annoncée le 12 octobre dernier. L’objet de cette chronique est de mettre en lumière le contexte géopolitique de cet événement. Autrement dit, quelle est la justification de ce prix, décerné 93 fois depuis son institution en 1901, à un moment où l’Union européenne traverse une période tourmentée de son histoire?

Le prix Nobel de la paix récompense « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix », selon les termes exacts du testament d’Alfred Nobel. Le Comité justifie sa nomination de l’Union Européenne « pour avoir contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l’homme en Europe ».

Dans son éditorial du 13 octobre, le quotidien Le Monde écrit : « Il s’agit d’une reconnaissance pour le chemin parcouru et d’un encouragement pour l’avenir ». Il ajoute: « L’Europe n’est pas la somme de ses graves difficultés économiques de l’heure. Elle est une volonté politique, celle de fonder la paix sur une communauté de valeurs qui ne nie pas les nations, mais les sublime ». Il est vrai que le projet européen lancé en 1950 par les hommes d’État des six pays fondateurs de l’Union a assuré la paix et la prospérité pendant une trentaine d’années, mais suite aux deux « chocs pétroliers » et aux diverses crises monétaires qui ont suivi, l’idéal d’une union confédérale est sérieusement remis en question par une opinion publique qui associe l’Union à la crise monétaire, à l’austérité qui affecte la majorité des contribuables européens, et à la catastrophe économique que subissent les citoyens de plusieurs pays membres de l’Union, notamment la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande.

On a souvent dit que l’Union européenne est à la fois un géant économique et un nain politique. Tant que l’Union se limitait à six pays membres, les consensus étaient possibles et on pouvait envisager un resserrement des liens politiques, jusqu’à imaginer un régime confédéral. Ce n’est plus le cas avec 27 états membres, dont 17 ont l’Euro comme monnaie commune. La chute du mur de Berlin en 1989, puis l’inclusion des anciens pays communistes d’Europe centrale et orientale dans l’Union, ont modifié la perspective d’un éventuel projet politique européen. On en est arrivé à une tour de Babel à la fois politique, économique et linguistique qui empêche tout consensus économique et politique.

Jean Cermakian est professeur associé au Département des sciences humaines, Section géographie.

Depuis 2007, la crise économique qui frappe plus ou moins fort tous les états de l’Union, a fait resurgir bon nombre de nationalismes et de régionalismes que l’on croyait disparus depuis la mise en place du projet européen. Il s’agit souvent de régions riches au sein de pays à structure fédérale. En Belgique, la Flandre industrielle et prospère envisage sérieusement de quitter l’État belge à très court terme. En Espagne, les partis nationalistes du Pays basque viennent de remporter les élections régionales, et la Catalogne réclame du gouvernement central à Madrid la tenue d’un référendum sur l’indépendance.

En Grande-Bretagne, le gouvernement de Londres vient de concéder aux Écossais un référendum sur leur indépendance en 2014. Verra-t-on, dans un proche avenir, un renforcement de l’Union européenne aux dépens des actuels états membres, ou une restructuration de l’Union en une multitude de petits états souverains, plus homogènes au plan linguistique et culturel? La viabilité de ces micro-États reste à démontrer, mais l’exemple de la Slovénie et de la Slovaquie semble indiquer que plusieurs états européens issus de la scission d’états plus vastes (la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie, entre autres) ont diversifié leur économie, permis l’augmentation du niveau de vie de leurs citoyens, tout en permettant à ces derniers de profiter des avantages de l’Union et de l’Euro.

En somme, l’attribution du prix Nobel de la paix à l’Union européenne soulève de nombreuses questions relatives à l’avenir de la structure géopolitique de ce grand ensemble.

 Consultez le reportage d’Europe Hebdo :

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