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États-Unis et Chine : les maîtres du monde

Géopolitique

La réélection du président des États-Unis, Barack Obama, le 6 novembre dernier, et le 18e congrès du Parti communiste chinois (PCC), en cours au moment où ce texte paraît, m’amènent à commenter les deux événements. Il est en effet opportun de les comparer dans la perspective de ce que bon nombre d’analystes qualifient les dirigeants des États-Unis et de la Chine de «maîtres du monde». On peut aussi parler de G2 pour insister sur le fait que, peu importe le nombre de groupes de pays dominants ou émergents (G8, G20, BRICS, MERCOSUR ou encore «Groupe de Shanghaï»), le monde actuel se dirige de plus en plus vers une codirection américano-chinoise. On est loin de l’époque de la Guerre froide et de l’affrontement politique et militaire entre pays communistes et capitalistes.

Relations-sinoaméricainesDepuis 1982, la Chine s’est modernisée et ouverte sur le monde, si bien que la politique demeure sous le contrôle du PCC alors que l’économie se privatise et s’intègre dans les grands circuits mondiaux de la finance et du commerce. Il y a quarante ans (première rencontre entre les présidents Nixon et Mao Tsé Toung – ébauche timide de la normalisation des relations diplomatiques et économiques entre les deux pays), le PNB chinois représentait 1/36 du PNB américain. Aujourd’hui, il a progressé jusqu’à représenter un tiers du PNB des États-Unis. D’ici 2020, il se pourrait que les deux économies arrivent à parité.

Les deux superpuissances partagent un certain nombre de caractéristiques communes : en premier lieu, un vaste territoire et une importante façade maritime sur l’Océan Pacifique. Si on regarde la carte des résultats de l’élection présidentielle du 6 novembre, quatre des cinq états américains du Pacifique (Californie, Oregon, Washington et Hawaii) ont voté majoritairement pour Obama. Au cours de l’histoire, les présidents démocrates ont favorisé l’ouverture sur le monde, à partir des façades atlantique et pacifique. Les présidents républicains étant plus enclins à l’isolationnisme. Du côté de la Chine, ce sont également les métropoles maritimes (en particulier Shanghaï, Shenzhen et Hong Kong) qui ont misé à la fois sur le développement industriel, la finance et le commerce international. En même temps, c’est justement grâce à cette ouverture sur le monde que la Chine a remplacé, début 2012, le Japon comme deuxième économie mondiale.

Par contre, ce qui distingue les États-Unis de la Chine, ce sont leurs régimes politiques respectifs. Les pouvoirs du président des États-Unis sont limités par la Constitution, qui prévoit un équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire; ce qui signifie que la volonté politique du président peut être contrecarrée par un Congrès dominé par le parti adverse de ce dernier. Cette situation existe depuis novembre 2010 et elle a été reconfirmée lors des élections du 6 novembre dernier. Or ,c’est le Congrès qui approuve le budget, les dépenses militaires, les traités internationaux et bien d’autres domaines. Dans ce contexte, les relations sino-américaines risquent de demeurer difficiles, d’autant plus que la Chine considère la présence militaire américaine en Asie et dans le Pacifique comme une intrusion dans sa zone d’influence prioritaire.

Jean Cermakian est professeur associé au Département des sciences humaines, Section géographie.

Pour ce qui est de la Chine, la toute-puissance du PCC (85 millions de membres sur une population de 1,3 milliard d’habitants, soit à peine 6,5% du total) facilite les prises de décision quant aux grandes orientations de la politique étrangère du pays. Désormais, la bataille pour la maîtrise du monde est commencée, peu importe l’évolution du régime politique chinois et les rebondissements de la démocratie états-unienne. Les grands pays émergents, comme l’Inde et le Brésil, vont essayer de profiter de cette situation pour faire avancer leurs propres intérêts, tout comme au temps de la Guerre froide, les pays « non-alignés » profitaient de la rivalité entre l’Union Soviétique et les États-Unis.

En somme, l’émergence de nouvelles puissances économiques et leur rôle accru dans les forums mondiaux, ne peut faire oublier que nous assistons, depuis quelques années, à une nouvelle bipolarisation du monde.

Les références de notre blogueur :

  • Sur le site du Département d’État, document concernant le « Dialogue stratégique et économique » entre les États-Unis et la Chine