Université du Québec à Trois-Rivières

Israël-Palestine : une nouvelle Guerre de Cent Ans?

Au moment où ces lignes sont écrites, nous sommes au septième jour d’un nouvel épisode de la guerre entre Israël et la Palestine. Ce conflit dure depuis 65 ans et sa pérennité fait penser à la Guerre de Cent Ans, qui opposa les dynasties royales de France et d’Angleterre au Moyen Âge (1337-1453), une guerre entrecoupée de trêves plus ou moins durables et qui empoisonna les relations franco-anglaises pendant plusieurs siècles.

Pour bien comprendre le conflit en cours entre Israéliens et Palestiniens, il faut retenir trois dates-clés : 1947, 1967 et 1987.

1) Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait un plan de partage de la Palestine en trois entités territoriales : un état arabe, un état juif et une zone comprenant les villes de Jérusalem et Bethléem sous administration des Nations Unies. La carte du plan de partage indique que la Cisjordanie et la bande de Gaza devaient constituer le nouvel état arabe de Palestine. Les Juifs de Palestine acceptèrent le plan, alors que les Arabes de Palestine et des états voisins le rejetèrent en bloc et déclenchèrent la première guerre israélo-arabe. Au terme de cette guerre, en 1949, les États arabes voisins ignorèrent la volonté des Arabes de Palestine de se doter d’un état souverain. La Jordanie occupa la Cisjordanie, Bethléem et Jérusalem-Est (la vieille ville et les lieux saints), alors que l’Égypte occupa la bande de Gaza. Le 28 octobre 2011, lors d’une entrevue télévisée accordée à une chaîne de télévision israélienne, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a déclaré que «le rejet du plan de partition de 1947 était une erreur, l’erreur du monde arabe dans son ensemble», ajoutant «mais est-ce qu’ils [les Israéliens] nous punissent de cette erreur soixante-quatre ans plus tard?» (Wikipédia, article «Plan de partage de la Palestine»).

Source: http://les-yeux-du-monde.fr/histoires/9473-la-guerre-des-six-jours-1967

2) Du 5 au 11 juin 1967, au terme de la Guerre des Six Jours, l’armée israélienne mit en échec les armées égyptienne, jordanienne et syrienne, et occupa la bande de Gaza,la Cisjordanie, Jérusalem-Est et le plateau du Golan. Quarante-cinq ans plus tard, cette occupation se poursuit. Elle a été renforcée par l’installation de 250 000 colons israéliens en Cisjordanie et, depuis 2002, la construction d’un mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie, ainsi que la militarisation du tiers de ce même territoire par l’armée israélienne.

3) En 1987, en plein soulèvement palestinien contre l’occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza («première Intifada»), le cheikh Ahmed Yassine fonde le Hamas, parti politique affilié au mouvement des Frères Musulmans d’Égypte. Opposé au Fatah de Yasser Arafat, qui signe un accord de paix avec Israël (moyennant la reconnaissance, par Israël, en 1993, d’une «Autorité Palestinienne» présidée par Arafat), le Hamas a pour objectif officiel la destruction de l’état d’Israël et l’instauration d’une république islamique en Palestine.  Après la mort d’Arafat en 2004, les deux mouvements politiques s’affrontent aux élections législatives de 2006; depuis 2007, le Hamas prend le contrôle exclusif de la bande de Gaza, le Fatah étant cantonné au gouvernement de la Cisjordanie.

Il est indéniable que, tôt ou tard, Israéliens et Palestiniens devront à nouveau s’asseoir à la table de négociations. D’une part, Israël ne peut ignorer les récents bouleversements géopolitiques du monde arabe (révolution des peuples et arrivée au pouvoir de partis islamistes au Maroc, en Tunisie et en Égypte, guerre civile en Syrie et déstabilisation au Liban) et un gouvernement égyptien idéologiquement proche du Hamas palestinien. D’autre part, tout comme Arafat l’avait compris il y a vingt ans, l’état d’Israël, soutenu et armé par les États-Unis et militairement plus fort que ses voisins arabes, ne disparaîtra pas de si tôt de la carte du Moyen-Orient. Pour un camp comme pour l’autre, la stratégie du «œil pour œil, dent pour dent» ne mène nulle part. Certes, l’Iran a tout intérêt, de son point de vue, à déstabiliser Israël en fournissant au Hamas palestinien des armes de plus en plus performantes dans son duel avec l’armée israélienne; c’est en quelque sorte sa police d’assurance contre une attaque par Israël des installations nucléaires iraniennes. En attendant, les États-Unis, l’Europe et les États arabes s’affairent à organiser un cessez-le-feu. Mais de réels progrès devront attendre les échéances électorales de 2013 en Israël et en Iran, et la mise en place de la nouvelle équipe gouvernementale du deuxième mandat présidentiel d’Obama aux États-Unis.

Jean Cermakian est professeur associé au Département des sciences humaines, Section géographie.

La référence bibliographique de notre blogueur :

LACOSTE, Yves, Géopolitique : la longue histoire d’aujourd’hui – Israël-Palestine, un problème crucial toujours sans solution, 3e édition, 2012, p. 316-331.

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