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Un monde contrasté : bilan et perspectives

Géopolitique

Ces lignes sont écrites deux semaines avant Noël et vingt jours avant le début de l’année 2013. Il est donc opportun de dégager quelques grandes lignes en guise de bilan et de tenter de mettre en perspective l’année qui vient. Je me limiterai à quatre grands enjeux parmi la multitude de questions que soulève un tel bilan à l’échelle mondiale : le monde arabe-musulman, l’Europe, la relation États-Unis – Chine et l’Amérique latine.

Le monde arabo-musulman

Autant 2011 avait soulevé une vague d’espoir avec la révolution des peuples arabes, autant 2012 se termine sur une instabilité accrue parmi les États arabes et musulmans. Au Maroc, en Tunisie et en Égypte, des gouvernements islamistes sont maintenant au pouvoir; si la tendance se maintient, cette vague islamiste pourrait s’étendre en 2013 à d’autres pays de la région, en particulier la Libye et la Syrie. Ces gouvernements sont modérés, mais doivent tenir compte des mouvements plus extrémistes de la mouvance islamiste. La Syrie n’en finit plus de sombrer dans la guerre civile depuis un an et demi; le peuple syrien est victime d’une lutte à finir entre le régime de Bachar El-Assad et une opposition de mieux en mieux organisée, mais toujours minée par des antagonismes politiques et religieux. On assiste également à la montée en puissance des Émirats du Golfe Persique, notamment le Qatar, soucieux d’investir dans la région (mais aussi en Europe et en Amérique) afin de faire face à l’après-pétrole.

Le conflit majeur dans la région (et peut-être dans le monde) est celui qui oppose Israël et les Palestiniens, un conflit quasi insoluble à l’horizon 2013. Quant aux mouvements terroristes dont Al-Qaïda, ils sont en train de changer de stratégie depuis la mort d’Oussama Ben Laden en 2012; leur commandement centralisé fait de plus en plus place à une multitude de cellules autonomes, comme, par exemple, Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), qui a pris le contrôle d’un vaste territoire au Sahara, aux confins de plusieurs États africains (Algérie, Mauritanie, Mali, Niger, Libye). Enfin, l’Iran demeure un joueur incontournable du monde musulman et le restera sans doute en 2013, avec ses ambitions nucléaires et son appui financier et militaire aux partis chiites et islamistes du monde arabe (Alaouites en Syrie, Hezbollah au Liban, Hamas en Palestine).

L’Union Européenne

On peut dire que 2012 a été une année noire pour l’économie de l’Union Européenne en général, à l’exception de cinq pays relativement prospères (Allemagne, Autriche, Finlande, Luxembourg, Pays-Bas), et la situation risque de se prolonger en 2013. Malgré tout, l’Europe, avec ses 500 millions d’habitants, demeure globalement la région la plus riche du monde, tout en accumulant des taux de chômage record et un endettement considérable de ses gouvernements. D’autre part, il faut opposer les pays du sud de l’Europe, avec une situation alarmante, à ceux du centre et du nord de l’Europe, aux finances publiques plus saines et aux économies plus prospères. Au cœur de cette crise se situe l’Euro, monnaie commune de 17 des 27 États de l’Union, qui est devenue au fil des ans une monnaie mondiale de référence aux côtés du dollar américain, et dont une éventuelle disparition aurait des conséquences dramatiques, non seulement pour l’Europe, mais aussi pour l’équilibre des échanges commerciaux et financiers à l’échelle mondiale.

Compte tenu des différences de niveau de vie entre les États de l’Union, il est difficile de voir comment les Européens vont pouvoir développer une politique monétaire et fiscale commune. Enfin, la grande inconnue reste l’avenir de l’«axe franco-allemand», pilier de l’intégration européenne depuis soixante ans, alors que le gouvernement socialiste de François Hollande en France, et celui, conservateur, d’Angela Merkel en Allemagne, ont des visions divergentes de la gouvernance économique globale de l’Union Européenne.

Le bras de fer sino-américain

Depuis 2012, la Chine a dépassé le Japon comme deuxième puissance économique mondiale et vise le premier rang aux dépens des États-Unis. Or ces derniers, malgré la crise des cinq dernières années, demeurent forts à la fois dans des secteurs clés de l’économie (informatique, haute technologie, pétrole, agriculture) et dans sa puissance militaire inégalée à l’échelle mondiale. Ce n’est pas un hasard si, dès sa réélection en novembre 2012, le président Obama a visité plusieurs pays d’Asie et du Pacifique, s’engageant ainsi politiquement aux côtés d’États qui craignent une tutelle éventuelle de la Chine sur leurs alliances, mais aussi sur leurs ressources. Au-delà de son «étranger proche», la Chine vise les ressources et les terres agricoles en Afrique et en Amérique latine, en tentant d’imposer à ces pays un agenda commercial pas toujours conforme à leurs intérêts. Plus que jamais, on peut dire que l’Océan Pacifique est devenu, depuis quelques années, le nouveau «centre du monde».

Un continent «émergent» méconnu : l’Amérique latine

Tout le monde parle de l’Asie comme LE continent «émergent», qui rattrapera et dépassera bientôt l’Europe et l’Amérique du Nord. On oublie (les média en parlent peu) que depuis une quinzaine d’années, le continent américain au sud du Rio Grande a progressé sur plusieurs plans : économique (niveau de vie, ressources minières, industries, pétrole), politique (fin des régimes militaires, progrès démocratiques) et social (diminution de la pauvreté extrême et réduction des inégalités). Le Brésil est devenu la sixième puissance économique mondiale et fait partie (de même que le

Jean Cermakian est professeur associé au Département des sciences humaines, Section géographie.

Mexique, et l’Argentine) du groupe des vingt pays les plus industrialisées (le G20). Le continent latino-américain s’est également affranchi de la tutelle des États-Unis que ces derniers exerçaient depuis l’indépendance des colonies espagnoles et portugaises d’Amérique, il y a deux siècles. Il reste tout de même du chemin à accomplir, notamment en matière de protection de l’environnement, de droits des peuples amérindiens et de réduction des inégalités sociales, notamment dans les bidonvilles grandes métropoles latino-américaines.

À tous les membres de la communauté universitaire de l’UQTR et à mes autres lecteurs, je souhaite un Joyeux Noël et une heureuse Nouvelle Année!

Au plaisir de vous retrouver en 2013!

Les références de notre blogueur :

  • Version électronique de la publication papier annuelle The World in 2013 (une version française papier existe : Le monde en 2013 (coéditée par Courrier International et The Economist, disponible en kiosque en janvier 2013)
  • Version électronique du mémento statistique Facts and Figures publié par The Economist Intelligence Unit