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Travaux de recherche au Nunavut – Les insectes pollinisateurs jouent un rôle important dans la production de bleuets

En climat tempéré, il est connu que les insectes, tout particulièrement les abeilles, sont des vecteurs importants de pollinisation pour les plants produisant de petits fruits. Mais qu’en est-il dans les régions arctiques canadiennes? Jusqu’à présent, ce sujet a été peu documenté par les scientifiques. S’attaquant à cette question, Sylvie Ferland, étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement à l’UQTR, a mené des recherches pendant trois étés consécutifs dans la municipalité de Baker Lake située au Nunavut, au nord du Manitoba. Ses travaux, réalisés au sein d’un paysage à la fois rude et grandiose, lui ont permis de constater que les insectes jouent un rôle pollinisateur déterminant pour les plants de bleuets du Grand Nord.

Mme Sylvie Ferland, étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement à l’UQTR. (photo : Daniel Jalbert)

Mme Sylvie Ferland, étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement à l’UQTR. (photo : Daniel Jalbert)

«Mon premier contact avec le Nunavut s’est fait à l’été 2009, pendant mon baccalauréat en sciences biologiques et écologiques. J’assistais alors une étudiante à la maîtrise pour l’étude du couvert végétal de la région de Baker Lake. L’endroit est situé à quelque 300 kilomètres des côtes de la Baie d’Hudson et à 160 kilomètres de la limite forestière. Sur place, nous avons notamment trouvé des arbustes producteurs de petits fruits comme la camarine noire, la canneberge, le bleuet et la chicoutai», explique l’étudiante.

Profitant de sa présence au Nunavut, Mme Ferland y a réalisé son projet de recherche de fin de baccalauréat, en évaluant la diversité des insectes du territoire. De juin à août, elle a recueilli des échantillons d’insectes grâce à une trentaine de pièges trappes. Constitués de bols enfoncés dans le sol, ces pièges sont remplis d’eau savonneuse. Le savon facilite la capture des spécimens car il réduit la tension de surface de l’eau, les insectes coulant ainsi plus rapidement au fond du bol, au lieu de flotter.

«La récolte d’insectes a été riche et variée, signale la chercheuse. Environ 90% de l’ensemble des échantillons était composé de diptères, c’est-à-dire d’insectes à une seule paire d’ailes fonctionnelles, comme les maringouins ou les mouches. Plus de la moitié de ces diptères étaient du sous-ordre des brachycères, soit différentes espèces de mouches qui ne butinent pas comme les abeilles, mais qui favorisent tout de même la pollinisation parce qu’en se nourrissant du nectar ou du pollen, elles transportent ce dernier d’une fleur à l’autre.»

Pollinisation manuelle des fleurs de bleuets.

Pollinisation manuelle des fleurs de bleuets.

Pollinisation des bleuets

Heureuse de son expérience, et forte des résultats déjà recueillis, Mme Ferland est retournée à Baker Lake en 2010 et 2011 pour y mener son projet de recherche à la maîtrise. Ce dernier visait principalement à mesurer l’activité des insectes pollinisateurs et leur rôle dans la production de bleuets.

Pour réaliser ses travaux, Mme Ferland a sélectionné une centaine de plants de bleuets chaque été, tous dûment identifiés par une étiquette métallique. Elle a également effectué de nombreux recensements pour compter le nombre de bourgeons, de fleurs et de fruits dans chaque plant. Le bleuet de Baker Lake fleurit habituellement vers la mi-juin, la floraison durant environ deux semaines.

Collaboration avec la population locale

Tout au long de ses travaux, Mme Ferland a bénéficié de l’accueil chaleureux et de l’aide précieuse des résidents de Baker Lake, autant pour l’hébergement que pour des services d’interprète, de guide ou d’assistance sur le terrain. « J’ai rencontré des personnes formidables au Nunavut, mentionne la chercheuse. Je dédie d’ailleurs mon mémoire de maîtrise à l’une d’entre elles, qui a été ma traductrice. Elle est malheureusement décédée aujourd’hui.»

«Un premier test a été effectué en posant des filets à mailles fines sur certains plants, pour en exclure les insectes. Ces plants n’ont pratiquement produit aucun fruit, ce qui a confirmé que les insectes jouent un rôle important dans la pollinisation. Nous avons aussi installé des pièges bols autour de certains plants de bleuets. Parmi les nombreux insectes récoltés, nous avons trouvé des bourdons qui sont d’excellents pollinisateurs, mais peu abondants. Nos tests ont également démontré que l’usage de pièges trappes n’a pas affecté la production des plants de bleuets environnants», rapporte Mme Ferland.

Baker Lake (Nunavut).

Baker Lake (Nunavut).

La chercheuse a aussi utilisé des caméras automatisées pour prendre des photos des plants et des insectes visiteurs, le jour et la nuit. Elle a récolté plusieurs centaines de milliers d’images. Ces dernières, analysées par l’étudiante Marilie Trudel, ont permis de constater que peu d’insectes sont observés en présence de pluie ou à des températures sous 5 °C. De plus, l’activité des insectes est sept fois plus importante le jour que la nuit. Les photos ont aussi démontré que les bleuets les plus visités par les insectes se sont révélés les meilleurs producteurs de fruits.

«Sur certains plants, nous avons également ajouté manuellement du pollen, à l’aide de cure-dents. Ce pollen provenait de fleurs fraîches de bleuets prises à l’extérieur de notre périmètre d’étude. La pollinisation manuelle a été très fructueuse, augmentant jusqu’à quatre fois la production naturelle de fruits. Cela nous indique qu’avec davantage d’insectes pollinisateurs, il serait théoriquement possible d’augmenter la production de bleuets», signale la chercheuse.

Grâce à son projet de recherche, Sylvie Ferland a pu démontrer que le bleuet de Baker Lake dépend des insectes pour sa pollinisation. «Le pic d’émergence des insectes et le pic de floraison des arbustes doivent concorder, pour assurer une bonne pollinisation. Si des changements climatiques venaient à perturber ce synchronisme, la production de bleuets pourrait en être affectée», de conclure l’étudiante.

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Mme Ferland a réalisé ses travaux de maîtrise sous la direction de la professeure Esther Lévesque (Département des sciences de l’environnement, UQTR) et la codirection de la professeure Jade Savage (Bishop’s University).