Dans le tourbillon de la vie moderne, il est de moins en moins facile d’aménager un espace de temps privilégié pour les soupers en famille. Et pourtant, ces rencontres parents-enfants autour de la table présentent des avantages probants, notamment pour la réussite scolaire des jeunes et leur bonne alimentation. S’intéressant à ce sujet pendant ses études à la maîtrise en éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Marie Michèle Audet a mené des recherches qui révèlent l’importance et la pertinence des soupers en famille pour le bien-être et le développement des compétences des jeunes.
«J’ai œuvré comme agente de développement pour l’approche École en santé de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke. Ce travail m’a amenée à collaborer avec l’Alliance sherbrookoise pour des jeunes en santé, pour la mise en place d’actions touchant la santé des jeunes. À la suite d’une vaste étude, l’Alliance a notamment constaté que le contexte social des soupers des jeunes se détériorait, avec pour effets négatifs une baisse de la réussite scolaire et de la consommation de légumes et fruits. L’Alliance a donc choisi d’intervenir à cet égard, en valorisant et en faisant la promotion des soupers en famille. Pour ma part, j’ai participé à la validation des arguments scientifiques confirmant des liens entre la réussite scolaire et les soupers en famille, grâce à une recension d’études s’intéressant à ce phénomène», explique Mme Audet.
Les travaux de recherche portant sur les soupers en famille ont surtout été réalisés aux États-Unis. En prenant connaissance des résultats de ces études (voir encadré), la chercheuse a constaté les bienfaits concrets des soupers en famille. Ces derniers fournissent un contexte privilégié d’interactions entre parents et adolescents, favorisant la réussite à l’école et de saines habitudes alimentaires. À l’opposé, un jeune soupant en solitaire ne bénéficiera pas du même encadrement parental et optera plutôt pour un repas facile et rapide, moins nutritif.
Étude auprès de jeunes Québécois
Les soupers en famille demeurant un sujet de recherche encore peu exploré au Québec, Mme Audet a décidé de réaliser elle-même une étude à ce propos, pour son projet de maîtrise. Elle a centré principalement ses recherches sur la réussite scolaire et la consommation de légumes et de fruits chez les adolescents, en lien avec les soupers en famille. La chercheuse a mené des entrevues auprès d’une vingtaine de jeunes de secondaire âgés de 15 à 17 ans, au cours de l’année 2013.
«Certains de ces jeunes vivent dans un milieu familial encadrant, où les parents sont sensibles à leurs besoins et leurs demandes. Dans ces familles, les adolescents soupent régulièrement avec leurs parents et interagissent avec eux, discutant à propos de leur quotidien, de leur vie scolaire et d’une bonne alimentation. Cet environnement protecteur entraîne des répercussions positives chez ces jeunes qui présentent des résultats scolaires plus élevés en mathématiques et en français, une indication pertinente de réussite», signale la chercheuse.
Les adolescents répondant à l’étude de Mme Audet signalent que le souper offre un environnement particulièrement favorable aux échanges familiaux et aux confidences. Le soutien affectif reçu aide aussi les jeunes du point de vue scolaire. Les adolescents mentionnent également qu’une alimentation à haute valeur nutritive influence leur bien-être physique et la qualité de leur concentration et de leur énergie, à l’école et lors des devoirs.
«À l’opposé, certains répondants vivent malheureusement dans des familles où les soupers ont lieu dans une ambiance agressive, où la répartition des aliments est même parfois utilisée comme instrument de domination. D’autres jeunes n’ont pas accès à une bonne quantité et qualité de nourriture, ce qui influence négativement leurs habitudes et préférences alimentaires», rapporte Mme Audet.
Retombées
Les efforts de recherche consentis par Marie Michèle Audet auront des retombées intéressantes. Les résultats de ses travaux seront présentés dans la région de Sherbrooke, auprès d’intervenants en santé et en milieu scolaire. Ils serviront également à sensibiliser la population et les clientèles à risque quant à l’importance des soupers en famille.
«Je suis heureuse que mon projet de recherche puisse être concrètement utile, se réjouit Mme Audet. Selon les études, de 1986 à 2005, le temps passé en famille a diminué de 45 minutes dans une journée. Ce résultat s’explique notamment par l’accroissement du temps de travail chez les deux parents ou de nouvelles occupations solitaires impliquant la télévision, l’ordinateur ou les jeux vidéo. Tous ces facteurs bousculent l’organisation familiale et forcément, le temps alloué au souper. D’où l’importance de rappeler les bienfaits des soupers en famille et d’une ambiance de repas détendue et agréable. Cuisiner, manger, laver la vaisselle et faire les lunchs ensemble rapprochent parents et enfants, favorisant la communication et les échanges et, par le fait même, la réussite scolaire et la bonne alimentation.»