Une des conséquences du réchauffement climatique se remarque par la désertification du sud du Sahel, qui affecte la capacité de production agricole dont dépendent plusieurs centaines de milliers d’Africains. C’est pour contrer ce phénomène que l’expertise de Kodjo Agbossou et Mamadou Lamine Doumbia, respectivement directeur de l’École d’ingénierie et professeur au Département de génie électrique et génie informatique de l’UQTR, est mise à profit au Sénégal. Dans le cadre du projet Technologies d’énergie renouvelable pour l’amélioration de la production agricole, les deux chercheurs de l’UQTR travaillent en collaboration avec l’Université Gaston Berger (UGB) et l’École Supérieure Polytechnique de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD).
Depuis les années 1970, la moyenne des précipitations annuelles au Sénégal n’a cessé de chuter, alors que les agriculteurs voient par le fait même leur production agricole diminuer. Afin de remédier à cette situation, il fallait trouver une façon d’irriguer les champs de façon régulière, et ce, tout au long de l’année. C’est sur cet enjeu que se sont penchés nos deux ambassadeurs de l’UQTR dans le cadre du programme des Grandes initiatives de recherche, d’animation et de formation (GIRAF) de l’Agence universitaire francophone (AUF), laquelle leur a octroyé un financement à hauteur de 450 000$ pour mener à bien leur projet. Ce dernier est administré en collaboration avec Sylvain Benoit, directeur du Bureau de l’international et du recrutement de l’UQTR, et Pape Jean Fall, conseiller en développement international pour l’université trifluvienne.
La technologie de l’UQTR au Sénégal
L’irrigation des champs au Sénégal est assez simple : il s’agit de systèmes d’arrosage «goutte à goutte», c’est-à-dire qu’un tuyau, dans lequel des trous sont percés, est déroulé d’un bout à l’autre du champ. Toutefois, ce qui est plus complexe, c’est de trouver une source d’énergie propre pour pomper l’eau jusque dans les tuyaux. De fait, les petits villages sénégalais ne sont pas, pour plusieurs d’entre eux, reliés au grand réseau électrique et leurs habitants doivent utiliser des génératrices au diesel ou au charbon pour produire leur énergie, deux sources coûteuses et polluantes.
Les chercheurs ont donc proposé d’utiliser une technologie développée à l’Institut de recherche sur l’hydrogène (IRH) de l’UQTR. Il s’agit de produire de l’énergie à partir d’éoliennes et de panneaux solaires, puis de la transformer en électricité à l’aide d’un onduleur. «Les onduleurs sont les circuits qui permettent de convertir une tension et un courant d’une forme continue à une forme alternative, utilisable sur le réseau électrique» explique Kodjo Agbossou. Cette technologie permet donc d’utiliser l’énergie produite par les éoliennes et les panneaux solaires pour pomper l’eau et irriguer les champs, mais aussi faire fonctionner les petits appareils de la ferme. Lors d’une semaine très venteuse ou très ensoleillée, le système permet d’emmagasiner à court terme l’énergie dans les batteries et, lorsque celles-ci sont rechargées, d’utiliser cette énergie pour remplir les réservoirs d’eau.
Cependant, pour l’UQTR, il ne suffit pas de mettre cette technologie en place et de quitter le pays. En effet, le professeur Agbossou mentionne qu’il y a toute une série de décisions à prendre pour bien gérer l’énergie. Par exemple, à quel moment doit-on utiliser l’énergie pour irriguer le champ? Lorsqu’on génère des surplus d’énergie, quelle quantité doit-on emmagasiner dans les batteries pour faire fonctionner les appareils? Pour répondre à ces questions, l’UQTR prévoit aider le Sénégal à former ses propres experts en la matière.
Volet formation
Le volet formation du projet vise à renforcer les programmes de maîtrise en énergies renouvelables de l’UGB et de Master Science et Technique de l’Ingénieur de l’UCAD, avant de mettre sur pied un doctorat conjoint UGB-UCAD en technologies vertes. D’autres activités sont aussi au menu, notamment le perfectionnement des enseignants, l’organisation de séminaires et la formation aux agriculteurs sénégalais. Au terme du projet, plus d’une vingtaine d’étudiants et une dizaine de professeurs sénégalais seront formés et auront acquis une autonomie quant à l’utilisation de la technologie. Les deux universités partenaires deviendront ainsi des points de formation dans le domaine.
Une vision à long terme
Ce projet s’échelonne sur une période de quatre ans. Toutefois, avant même qu’il ne prenne fin, un second projet démarrera, auquel participeront des professeurs en génie industriel. En effet, si tout fonctionne comme prévu, la nouvelle technologie permettra d’irriguer les champs à longueur d’année, donc d’augmenter considérablement la production agricole. En engendrant des surplus, il faudra également générer de l’énergie pour les étapes subséquentes de la production : transformation des récoltes, entreposage, séchage, cannage, etc. Puis, un troisième projet pourrait voir le jour, celui-là touchant davantage les sciences de la gestion, puisqu’on en serait rendu à l’étape de la distribution, de la mise en marché et de la vente des produits agricoles.
Vers une révolution de l’agriculture?
Une meilleure irrigation des champs, grâce aux énergies renouvelables, permettra d’améliorer considérablement la productivité des terres agricoles – de 20 à 30% estiment-on – et, par le fait même, la qualité de vie de plusieurs agriculteurs au Sénégal. Lorsqu’on demande au professeur Agbossou s’il croit que ce genre de projet constitue une révolution dans le domaine agricole en Afrique, il nous répond avec philosophie que «les grands changements viennent souvent de petits pas».
**Ce texte est tiré du numéro automne 2014 de la publication Connexion UQTR. Consultez la publication ici : www.uqtr.ca/connexion