Qui sont les éditeurs canadiens qui exportent leurs livres? Dans quels pays font-ils des affaires? Quels genres littéraires diffusent-ils à l’étranger? Quelle part représente l’exportation dans leurs revenus? Jusqu’à tout récemment, il n’existait que très peu de réponses satisfaisantes à ces questions, car pratiquement aucune étude n’avait été réalisée ou publiée sur le sujet. Pour remédier à cette situation, Stéphane Labbé, étudiant au doctorat en lettres (concentration en communication sociale) à l’UQTR, a mené des travaux qui lui ont permis de tracer un premier portrait des activités d’exportation des éditeurs canadiens.
«Pour effectuer cette étude, j’ai utilisé la base de données de Livres Canada Books, un organisme sans but lucratif basé à Ottawa. Ce dernier a recueilli pendant plusieurs années des renseignements auprès d’éditeurs canadiens, en lien avec l’administration d’un programme d’aide financière. Les données obtenues, rares et précieuses, n’ont toutefois jamais fait l’objet d’une publication. Je me suis donc attelé à cette tâche avec l’appui de Livres Canada Books, ainsi que de l’Association nationale des éditeurs de livres, regroupant plus de 100 maisons d’édition de langue française au Québec et au Canada», explique le chercheur, qui a œuvré lui-même pendant plusieurs années dans le monde de l’édition.
Les données utilisées par M. Labbé couvrent l’année 2005 ainsi que 2010 à 2014. Elles concernent les ventes (globales et à l’exportation) des éditeurs canadiens ayant déposé une demande d’aide financière à Livres Canada Books. Ces éditeurs représentent environ 50% de l’industrie canadienne de l’édition. Il s’agit donc d’un excellent échantillon, constitué de quelque 75 éditeurs francophones et 75 éditeurs anglophones.
Avec l’aide de deux assistantes de recherche, Stéphane Labbé a d’abord préparé les données pour l’analyse informatisée. Il a également ciblé quatre principales variables dont il souhaitait mesurer l’influence sur les statistiques obtenues : la langue de publication de l’éditeur (anglais ou français), la taille de l’entreprise (chiffre d’affaires annuel variant de moins de 500 000$ à plus de 5 millions), le mode d’exportation (vente du livre imprimé, vente d’une licence de publication ou coédition/coproduction) ainsi que le genre littéraire (fiction pour adultes, non-fiction pour adultes, livres scolaires et livres pour la jeunesse).
«J’ai fait tous les croisements possibles avec les données en travaillant en mode exploratoire, pour ne négliger aucune information pertinente. Je voulais identifier quels types d’éditeurs sont actifs à l’étranger, prendre la mesure de l’importance de l’exportation dans les activités globales des éditeurs, distinguer les modes d’exportation utilisés selon les contextes et dresser l’inventaire des marchés les plus exploités par les éditeurs exportateurs», de préciser le doctorant.
Plusieurs résultats obtenus par M. Labbé (voir encadré) jettent un éclairage fort instructif sur les activités d’exportation des éditeurs canadiens, au cours des dernières années. «Ce premier portrait sera utile aux gens de l’industrie canadienne de l’édition ainsi qu’aux scientifiques, espère le chercheur. Il s’agit d’une première base de travail qui ouvrira la voie à d’autres réflexions, à des analyses plus poussées. Par exemple, il serait utile de refaire cette étude tous les 3-4 ans pour vérifier l’évolution des données. Il serait aussi intéressant d’effectuer des analyses comparatives avec les données d’autres pays. Des entretiens pourraient également être réalisés auprès des éditeurs, pour comprendre leurs pratiques et leurs choix d’exportation.»
Le chercheur a livré cet automne les résultats de son analyse à Livres Canada Books et à l’Association nationale des éditeurs de livres. Il poursuit actuellement un autre projet de recherche pour ses études doctorales à l’UQTR, lequel porte sur les prêts de livres dans les bibliothèques publiques.