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Statistique et climatologie : un heureux mariage

Lorsqu’ils effectuent des travaux de recherche, les scientifiques recueillent quantité de données. Qu’il s’agisse d’études en psychologie, sciences de la gestion, économie, sciences de l’environnement, ingénierie ou sciences de la santé, les données disponibles se font de plus en plus nombreuses et complexes. Pour trouver un sens à ces montagnes de chiffres, la statistique s’avère un outil essentiel. Professeur au Département de mathématiques et d’informatique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Jean-François Quessy est un spécialiste de la statistique qui consacre notamment ses efforts à développer de nouvelles méthodes permettant d’améliorer la compréhension des données disponibles. L’une de ses sources de données de prédilection est la climatologie.

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Le professeur Jean-François Quessy du Département de mathématiques et d’informatique de l’UQTR.

«La compréhension approfondie de phénomènes liés au climat nécessite généralement l’observation simultanée de plusieurs variables comme, par exemple, la température de l’air, la pression atmosphérique ou le niveau des précipitations. Il est donc important de décrire la nature par des modèles mathématiques aptes à représenter le plus fidèlement possible le comportement conjoint de plusieurs variables aléatoires», explique le professeur Quessy.

Les variables aléatoires – comme celles observées en climatologie – sont des caractéristiques pouvant faire l’objet d’une mesure (ex. débit d’un cours d’eau), dont la valeur est soumise aux lois du hasard. Les recherches en statistique fondamentale du professeur Quessy concernent justement l’étude de la dépendance entre plusieurs variables aléatoires. «Mes travaux permettent d’expliquer les propriétés d’interdépendance entre les composantes d’un phénomène donné, de faire des prévisions plus fiables et de détecter rigoureusement des changements climatiques», précise-t-il.

Depuis plusieurs années, le chercheur s’intéresse à la climatologie comme terrain d’application pour de nouvelles méthodes statistiques. Il œuvre en collaboration avec des professeurs et des étudiants en sciences de l’environnement de l’UQTR pour développer et mettre en œuvre ces méthodes. Ce travail en est un de réciprocité : les climatologues lui fournissent des données et lui font part de nouveaux besoins en modèles probabilistes et en méthodes statistiques, alors que le professeur, de son côté, développe pour eux de nouvelles procédures statistiques.

De la théorie à la pratique

La science statistique permet d’étudier un phénomène ou de vérifier des hypothèses de recherche de façon précise, grâce à des tests statistiques. Elle fait appel à un large éventail d’outils, allant de la théorie des probabilités aux techniques de calcul intensif par ordinateur.

Pour développer une nouvelle méthode statistique, le professeur Quessy s’intéresse d’abord aux aspects théoriques du problème, ce qui relève de la mathématique pure. Il étudie ensuite l’efficacité de sa nouvelle méthode en ayant recours aux simulations informatiques à grande échelle et à l’analyse de vraies données. «À l’intérieur de mes articles scientifiques, de nature plutôt méthodologique, j’utilise souvent des données en climatologie pour illustrer l’application des méthodes statistiques, car je trouve qu’il s’agit de bons exemples pour expliquer concrètement l’utilité de ces méthodes», indique-t-il.

Innover pour mieux expliquer

Le professeur Quessy a notamment développé de nouvelles méthodes statistiques qui s’intéressent aux points de changement (ou ruptures). Ces méthodes permettent d’identifier à quels moments ont eu lieu des changements significatifs dans une série de données. «Ce type de test s’applique bien en climatologie, où il y a souvent des données prises sur des périodes pendant lesquelles des changements de comportement surviennent, mais sont peu perceptibles à l’œil nu parce que graduels. Ces nouvelles méthodes statistiques servent à vérifier de façon rigoureuse s’il y a eu des changements et à déterminer quand ils se sont produits. Le modèle à changements graduels sur lequel je travaille permet de percevoir des variations qui seraient imperceptibles avec les modèles statistiques habituels, où seuls des changements abrupts sont considérés», mentionne M. Quessy.

Le chercheur travaille plus particulièrement sur la notion de «dépendance» entre plusieurs variables, afin de vérifier si le lien entre ces variables a pu changer, au fil du temps. «Avec un nouveau test statistique, nous pouvons, par exemple, étudier simultanément deux indices climatiques, l’un étant mesuré en zone tropicale, l’autre dans l’Atlantique Nord. Le test nous permet de vérifier si la dépendance entre les deux indices a évolué avec les années. Un changement de lien entre deux variables climatiques pourrait appuyer la thèse des changements climatiques et permettrait d’identifier le moment où le climat a commencé à se modifier», rapporte le professeur.

Au cours des dernières années, M. Quessy a notamment obtenu une subvention du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT), pour la réalisation d’un projet intitulé Élaboration de méthodologies statistiques pour la vérification d’hypothèses liées au climat. Grâce à ses travaux, le professeur ouvre aux chercheurs en climatologie un plus grand éventail de possibilités statistiques. Il entend bien d’ailleurs poursuivre sa collaboration avec les gens du secteur des sciences de l’environnement, car il y trouve un grand intérêt. Ce partenariat rejoint aussi les raisons pour lesquelles ce mathématicien s’est intéressé à la statistique, un secteur d’expertise qui l’attire tout particulièrement pour ses applications concrètes.