L’Association américaine de psychiatrie va-t-elle trop loin avec sa notion de «normalité» sexuelle?
– Définition des intérêts sexuels anormaux –
La plus récente édition du Manuel diagnostique des troubles mentaux (DSM-5) de l’Association américaine de psychiatrie introduit une nouvelle définition d’«intérêts sexuels déviants» (paraphilies). En se basant sur cette définition, plus de la moitié de la population aurait des intérêts sexuels «anormaux», selon une étude menée par Christian Joyal, professeur au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), publiée aujourd’hui dans le journal Sexual Medicine.
Selon le DSM-5, un fantasme sexuel est «anormal» s’il est intense, persistent, et différent d’un fantasme « normophilique », c’est-à-dire un fantasme associé à « la stimulation génitale ou les préliminaires avec un partenaire humain phénotypiquement normal, sexuellement mature et consentant ». Ainsi, les fantasmes concernant le voyeurisme, le fétichisme, la domination et la soumission, non liés à la procréation, deviennent « anormaux ». À l’aide d’analyses statistiques multivariées basées sur la nature et l’intensité des fantasmes sexuels d’adultes recrutés auprès de la population générale, l’étude démontre que 57% d’entre eux, hommes et femmes, auraient des intérêts sexuels « anormaux ».
«La nouvelle définition du manuel psychiatrique américain est trop inclusive. La distinction doit être faite entre un fantasme et un comportement, sinon plus de la moitié de la population répondrait aux critères de déviance sexuelle. De toute façon, l’idée même de qualifier un acte sexuel non criminel et consentant d’ “anormal” doit être remise en question. Cette définition est très importante puisqu’on peut l’utiliser pour étiqueter des individus, par exemple, de personnes paraphiliques», explique M. Joyal dans son étude intitulée Defining “normophilic” and “paraphilic” sexual fantasies in a population-based sample: On the importance of considering subgroups.
Formation en ligne et conférence
En plus d’être professeur à l’UQTR, Christian Joyal est docteur en neuropsychologie et chercheur à l’Institut Philippe-Pinel de Montréal. Ses travaux portent notamment sur la neurobiologie de la pédophilie. M. Joyal offrira un nouveau cours en ligne intitulé Déviances et agressions sexuelles (SEX-1006), au trimestre d’hiver 2016.
Finalement, les personnes intéressées aux résultats de la plus récente étude du professeur Joyal, portant sur la normalité des comportements sexuels, sont invitées à une conférence qui se tiendra le mardi 24 novembre, de 19 h à 20 h 30, à la salle Rodolphe-Mathieu (2063, pavillon Michel-Sarrazin) de l’UQTR.