L’UQTR était dans la course à la détection des ondes gravitationnelles
Le 11 février dernier, les collaborations scientifiques LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) et Virgo (interféromètre) annonçaient quelque chose de gros, de très gros: la détection directe des ondes gravitationnelles.
Pourquoi directe? En fait, il faut savoir que les ondes gravitationnelles avaient déjà été confirmées de façon indirecte en 1974. À cette époque, les physiciens Russell Hulse et Joseph Taylor ont observé un système de deux étoiles à neutrons en orbite l’une autour de l’autre, et ont remarqué que cette orbite diminuait dans le temps, signe que le système perdait de l’énergie. Ils ont alors montré que le flux d’ondes gravitationnelles prédit par la relativité générale d’Einstein correspondait précisément à la diminution d’énergie mesurée. Hulse et Taylor ont été récompensés du prix Nobel de physique en 1993 pour cette découverte.
Cette fois, les scientifiques du LIGO sont parvenus à mesurer directement l’effet du passage d’une onde gravitationnelle au travers de la Terre. Les ondes gravitationnelles sont capables de perturber l’espace-temps en modifiant les distances et les durées. C’est ce qui s’est produit le 14 septembre 2015 lorsque le passage d’une onde gravitationnelle a contracté l’espace dans une direction pour l’étirer dans une autre direction.
Et l’ampleur de cette distorsion? C’est ce qu’ont mesuré les deux appareils LIGO: une variation des distances de 10-21. C’est dire que la distance moyenne entre la Terre et le Soleil a varié d’un millième du diamètre d’un atome d’hydrogène! Pour parvenir à une telle précision, les LIGO utilisent le principe d’interférométrie: un faisceau laser est scindé en deux faisceaux projetés dans des directions perpendiculaires. Chacun des faisceaux parcourt 4 km avant d’être réfléchi par un miroir afin de revenir au point d’origine. L’analyse des faisceaux réfléchis permet de mesurer une éventuelle variation de distance de l’un des parcours par rapport à l’autre.
Ces ondes gravitationnelles proviennent de la collision de deux trous noirs d’environ 29 et 36 fois la masse du soleil, situés à quelque 1,3 milliard d’années-lumière de la Terre. Lors de la fusion des deux trous noirs initiaux, c’est l’équivalent en énergie de trois fois la masse du soleil qui a été émis sous forme d’ondes gravitationnelles, et ce, en une fraction de seconde.
En plus d’être la confirmation ultime de la théorie de la relativité générale d’Einstein, cette mesure des ondes gravitationnelles ouvre la porte à une meilleure compréhension des débuts de notre Univers. En effet, les ondes gravitationnelles pourraient éventuellement être utilisées afin de remonter le temps au-delà de la surface de dernière diffusion. Cette surface, située 380 000 ans après le Big Bang, constitue une barrière au rayonnement électromagnétique. En d’autres mots, aucun rayonnement électromagnétique ne peut être utilisé pour sonder les débuts de l’Univers avant la surface de dernière diffusion, alors que les ondes gravitationnelles le peuvent.
Et l’UQTR dans tout cela? En 2005, la collaboration LIGO lance le projet Einstein@Home, le but étant de solliciter des bénévoles afin d’analyser les données recueillies par les appareils LIGO et GEO. Depuis 2010, le Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR participe au projet Einstein@Home. Avec 1000 milliards de calculs à la seconde, l’UQTR représente 2% de la puissance de calcul canadienne d’Einstein@Home.
Bien que cette découverte n’ait pas été faite par l’entremise du projet Einstein@Home mais directement par les membres du LIGO, nous sommes tout de même fiers de pouvoir dire que l’UQTR était dans la course!
Raphaël Gervais Lavoie, M. Sc., Phys., étudiant au doctorat en sciences de l’énergie et des matériaux et instigateur d’Einstein@Home à l’UQTR.
Pierre Bénard, Ph. D., professeur de physique, UQTR.