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Contrôler la prolifération des cellules souches pour vaincre le cancer

Et si la plupart des cancers naissaient d’un dérèglement des cellules souches? Cette piste de recherche avant-gardiste pointe vers les mutations apparaissant aléatoirement durant la prolifération de ces cellules, qui jouent un rôle central dans le développement des organismes et le maintien de leur intégrité au cours de la vie adulte. C’est dans cette optique que le chercheur Patrick Narbonne, du Département de biologie médicale de l’UQTR, souhaite mieux comprendre et utiliser les mécanismes qui contrôlent la prolifération des cellules souches, en vue de prévenir et combattre le cancer.

Patrick Narbonne, professeur au Département de biologie médicale, et Catherine Sanche , étudiante au baccalauréat en biologie médicale.

La piste s’appuie sur une étude publiée dans la prestigieuse revue Science (Tomasetti et Vogelstein, 2015), où des chercheurs ont démontré une forte corrélation positive entre le nombre de divisions des cellules souches pour un tissu donné et le risque de cancer dans ce même tissu. «Cette hypothèse part du fait que plus les cellules souches se divisent, plus elles sont sujettes à incorporer des mutations aléatoires qui, sous l’effet de la sélection naturelle, ont tendance à les transformer en cellules cancéreuses», soutient le professeur Narbonne.

Il précise : «Dans beaucoup de cas, le cancer pourrait donc provenir de cellules souches qui se seraient déréglées en accumulant des mutations et changements épigénétiques. Ce phénomène se produit principalement durant la réplication cellulaire, qui est un processus naturellement imparfait. En bref, plus les cellules se divisent pendant notre vie, plus elles accumulent des changements, plus elles se dérèglent.»

Coup de soleil et cancer de la peau

Prenons un exemple : le coup de soleil est une brûlure mineure qui endommage l’épiderme et amène une perte des cellules différenciées. Celles-ci sont issues de la différenciation des cellules souches et assurent les fonctions spécifiques des tissus; pour l’épiderme, elles forment une barrière protectrice, c’est-à-dire les couches superficielles de la peau. Il s’en suit une stimulation de la prolifération des cellules souches pour «réparer» le tissu endommagé. Ce mécanisme implique une réplication des cellules souches, dont certaines vont ensuite se différencier pour régénérer le tissu endommagé par le soleil.

«À partir du moment où les cellules souches se différencient, leur nombre de divisions est limité et, donc, leur potentiel d’accumuler de nouveaux changements pour devenir cancéreuses est faible. Seules les cellules souches continuent de se répliquer durant toute la vie et peuvent ainsi accumuler des mutations sur une longue période, ce qui peut leur permettre, si une personne est malchanceuse, de se transformer progressivement en cellules cancéreuses», ajoute le chercheur de l’UQTR.

Par la suite, lorsque l’état de la peau est rétabli, un «signal rétroactif» est envoyé aux cellules souches afin de stopper leur prolifération. Ce signal est critique parce qu’il permet d’«économiser» les divisions des cellules souches, et ainsi, de minimiser leurs chances d’accumuler des mutations.

Le chercheur Patrick Narbonne dans son laboratoire.

Le rôle de l’insuline/IGF-1

La voie de signalisation activée par l’insuline/IGF-1 est importante pour la croissance des organismes. En réponse à un apport alimentaire, cette voie stimule la prolifération des cellules souches en activant des voies métaboliques. Par exemple, dans le cas du coup de soleil, l’insuline/IGF-1 va stimuler la prolifération des cellules souches pour «répondre à la demande» en cellules différenciées, en vue de réparer l’épiderme. Tandis que cette stimulation par l’insuline/IGF-1 est quotidienne, la prolifération des cellules souches suit plutôt les besoins tissulaires. Cela implique que le signal rétroactif provenant des tissus prévaut sur la signalisation insuline/IGF-1.

«Nous avons donc des mécanismes qui régulent la prolifération des cellules souches et les empêchent de se diviser lorsque ce n’est pas nécessaire, ce qui nous protègerait justement contre l’accumulation de mutations et, conséquemment, le développement de tumeurs cancéreuses. À cet égard, j’essaie de comprendre ce mécanisme de rétroaction entre les cellules différenciées et les cellules souches à l’échelle moléculaire. Puis, l’idée est de voir comment ce mécanisme peut bloquer l’effet de la signalisation insuline/IGF-1 sur les cellules souches, selon l’état du tissu qu’elles desservent», explique Patrick Narbonne, qui compte y arriver grâce à ses recherches sur le nématode C. elegans, un petit ver transparent qui permet, entre autres, d’étudier le comportement des cellules souches de façon économique et sans avoir à exécuter des dissections complexes.