Le domaine de la recherche scientifique est un milieu compétitif dans lequel les chercheurs se démènent pour publier leurs travaux lorsqu’ils réussissent à obtenir des résultats significatifs. En revanche, avec des résultats non significatifs, ils sont nettement moins susceptibles d’être publiés. En science, les résultats d’études sont qualifiés de statistiquement significatifs lorsqu’ils démontrent, avec un certain niveau de confiance, un fait auquel on s’intéresse, par exemple la différence entre deux conditions ou une relation entre deux variables. Le but premier de la recherche étant l’avancement des connaissances, le fait de publier principalement des résultats significatifs pose problème. L’absence de différence entre deux conditions ou de lien entre deux variables peut être tout aussi pertinente d’un point de vue scientifique.
Une nouvelle approche proposée pour atténuer ce problème consiste à préenregistrer les études scientifiques. Le préenregistrement s’inscrit dans le mouvement de la science ouverte et consiste à rendre public un protocole de recherche avant de commencer une expérimentation. Cette approche est conçue pour valoriser la démarche hypothético-déductive de la science, la rigueur méthodologique et la transparence dans l’interprétation des résultats. Il existe actuellement deux possibilités pour préenregistrer un protocole de recherche : le préenregistrement libre (non-révisé) et les rapports préenregistrés (révisés par les pairs).
Le préenregistrement libre est une procédure ouverte, non révisée, pouvant être menée de manière entièrement flexible par tout chercheur souhaitant adopter une démarche transparente. Ce type de préinscription s’effectue sur une plateforme publique, par exemple sur Open Science Framework qui répertorie à ce jour des milliers de préenregistrement dans plusieurs domaines de recherche (OSF, 2020).
Une seconde possibilité pour préenregistrer une étude est de soumettre un rapport préenregistré à une revue scientifique avec comité de lecture. Les rapports préenregistrés sont des articles comprenant le contexte théorique, les hypothèses, la méthodologie et les analyses prévues. Si le projet soumis est accepté, suite à un premier processus d’évaluation par les pairs, la revue s’engage à publier l’article complet lorsque l’expérience sera terminée et ce, peu importent les résultats obtenus. Au terme de l’étude, le manuscrit complet fait l’objet d’un second processus d’évaluation. Ainsi, la décision de publication ne repose pas sur le caractère concluant ou non des résultats de la recherche, mais bien sur sa rigueur et sa contribution à l’avancement des connaissances.
En somme, la culture de la publication à tout prix et la compétition régnant dans le milieu de la recherche entre en conflit avec l’intégrité et l’objectivité de la démarche scientifique. Le fait que des études soient moins susceptibles d’être publiées en obtenant des résultats non significatifs provoque la disparition d’un ensemble de connaissances potentiellement pertinentes. Le préenregistrement permet de renouer si simplement avec les valeurs d’intégrité et de transparence inhérentes à la science qu’il deviendra certainement la norme dans les années à venir.
Laurence Chouinard-Gaouette