La seigneurie est l’une des plus anciennes institutions de l’histoire canadienne; elle se démarque aussi par son étonnante longévité : «un régime qui ne veut pas mourir», écrivait en 1968 l’historien Georges Baillargeon. En regard de cette saisissante longévité, quelle mémoire s’est érigée à propos de la seigneurie dans l’histoire du Québec? Objet mémoriel étroitement associé à la mise en place du territoire et du paysage québécois, le régime seigneurial paraît omniprésent et a donné lieu à de multiples formes de patrimonialisation dans la partie du territoire du Québec qui lui fut autrefois soumis. Mais en dehors de la toponymie et du patrimoine bâti qui continuent à témoigner du passé, comment expliquer l’oubli de la disparition somme toute récente de la «société seigneuriale»? Notre propos s’inscrit dans une vaste recherche relative aux persistances seigneuriales dans le Québec post-1854 que nous menons à partir des archives du Syndicat national du rachat des rentes seigneuriales (BAnQQ – E39). Ces travaux visent à révéler l’ampleur des continuités sur les plans économique et social entre 1854 et 1940, ainsi qu’à réfléchir à la discrétion du groupe seigneurial et à sa composition hétérogène au terme du processus, une possible clé pour comprendre l’oubli de cette ultime phase de l’histoire seigneuriale québécoise.