Le 14e Sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) vient de se terminer à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Ce Sommet s’est tenu dans la controverse et soulève un certain nombre de questions d’ordre géopolitique, à la fois par rapport au lieu du Sommet, à la composition de l’OIF, et à l’avenir de la francophonie comme véhicule de la défense du français sur la scène internationale.

Source: Wikipédia

Ancienne colonie belge devenue indépendante en 1960, la RDC occupe une position centrale sur la carte de l’Afrique. Deuxième plus grand pays d’Afrique après l’Algérie (2,3 millions de km2, une fois et demie la superficie du Québec), la RDC compte 73 millions d’habitants, comprenant des centaines d’ethnies; le français est la langue officielle, mais quatre langues nationales sont également reconnues : le lingala, le kikongo, le tchiluba et le swahili.

En somme, la RDC résume, en modèle réduit, bon nombre des défis, des problèmes et du potentiel de l’Afrique. Le paradoxe africain, c’est qu’il s’agit d’un continent riche – de sa diversité humaine, de ses réserves minières et forestières, et du plus grand bassin hydrographique au monde (le Congo) après celui de l’Amazone.

En même temps, le continent africain compte une majorité de pays pauvres, ou plutôt inégalitaires, un grand nombre de conflits ethniques et religieux, et un indice de développement humain (IDH) de niveau moyen à faible. Finalement, l’Afrique comporte un nombre élevé de gouvernements autoritaires, peu respectueux des droits de la personne et de l’égalité hommes femmes.

L’histoire de la RDC, au cours des soixante dernières années, est un condensé de ces problèmes. Dans ce cas, fallait-il tenir le Sommet de la Francophonie dans ce pays? La réponse de Paris, d’Ottawa et de Québec a été un « oui, mais… » très nuancé. Plutôt que de boycotter le régime du président congolais, Joseph Kabila, les principaux bailleurs de fonds de la Francophonie ont préféré réaffirmer leur soutien à tous ceux qui, en RDC comme dans le reste de l’Afrique, luttent pour la démocratie et pour l’état de droit.

Jean Cermakian est professeur associé au Département des sciences humaines, Section géographie.

Le défi est énorme : comment faire progresser un pays divisé, en proie à des mouvements sécessionnistes encouragés par des états voisins (Rwanda, Burundi, Ouganda, Angola) depuis plus de vingt ans, ces derniers convoitant davantage les richesses minières de la RDC que l’annexion d’une partie du territoire congolais. Face à cela, l’armée congolaise est divisée en factions ethniques et politiques, donc incapable de lutter efficacement contre des rebelles financés et armés de l’extérieur, et ce, malgré la présence des Casques bleus de l’ONU (la MONUSCO compte plus de    20 000 hommes, dont plusieurs contingents africains, ce qui en fait la plus grosse opération de maintien de la paix des Nations Unies en 2012).

Un autre enjeu crucial pour les états membres de l’OIF : le faible poids de l’Afrique dans les instances internationales. Depuis le Sommet de la Francophonie tenu en Suisse en 2010, les pays africains de l’Organisation (ils constituent une majorité des membres réguliers de l’OIF) ont réclamé un siège permanent pour l’Afrique au Conseil de sécurité des Nations unies, exigence réaffirmée au Sommet de Kinshasa. Ceci est d’autant plus important que d’ici 2050, les projections démographiques font valoir que 80 % des francophones seront des Africains. Et la grande puissance émergente de cet espace géopolitique francophone en Afrique, ce sera précisément la République démocratique du Congo, si cette dernière parvient à surmonter son psychodrame national.

Les références de notre blogueur :

Site officiel de l’OIF :  http://www.francophonie.org/

Site officiel du Sommet de la Francophonie à Kinshasa : http://www.francophoniekinshasa2012.cd/

Article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia sur la RDC : http://fr.wikipedia.org/wiki/République_démocratique_du_Congo

Faits et chiffres sur la Mission de l’ONU sur la Sécurisation en RDC (MONUSCO) :  http://www.un.org/fr/peacekeeping/missions/monusco/facts.shtml