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Le conflit des deux Corées : un vestige de la Guerre froide

Géopolitique

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En juillet 2013, cela fera soixante ans que s’est terminée la guerre de Corée, aux termes d’un conflit de trois ans qui fit plus d’un million et demi de victimes, plus de 50 milliards de dollars de destructions (cinq fois plus en dollars de 2013), et un peuple écartelé entre deux États de part et d’autre de la ligne d’armistice et d’une zone démilitarisée qui suit le 38e parallèle de latitude Nord : la Corée du Nord communiste et la Corée du Sud pro-occidentale. Cette division (qui rappelle le cas du Viêt Nam de 1954 à 1975 et celui de l’Allemagne de 1945 à 1989) est sans doute le dernier vestige des conflits régionaux de la Guerre froide entre alliés de l’Union Soviétique et des États-Unis. Même si la situation géopolitique de l’Asie a beaucoup évolué depuis soixante ans, le conflit «gelé» entre les deux Corées fait peser un risque de conflit militaire à l’échelle de l’Asie du Nord-Est et du Pacifique Nord.

Par ailleurs, la partition d’un même peuple entre deux États antagonistes est le résultat de conflits militaires souvent liés à diverses formes de décolonisation, que l’on pense à l’Irlande ou au Viêt Nam. Dans ces deux cas, des mouvements révolutionnaires (l’IRA et le Viêt Minh) ont largement contribué à la défaite des puissances coloniales ou de tutelle (pour l’Irlande : la Grande-Bretagne; pour le Viêt Nam : la France, puis les États-Unis).

Pour sa part, la Corée fut colonisée par le Japon de 1910 à 1945. Comme l’Europe au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la péninsule coréenne fut partagée entre zones d’influence soviétique et américaine, les grandes puissances s’appuyant sur deux grands leaders politiques locaux : au nord, le communiste Kim Il-sung, au Sud, le pro-américain Syngman Rhee. Kim fut le fondateur et premier président de la République populaire démocratique (RPD) de Corée du Nord, de 1948 jusqu’à sa mort en 1994; Rhee, déjà président en exil de la Corée sous occupation japonaise de 1919 à 1945, fut le fondateur et premier président de la République de Corée du Sud, de 1948 jusqu’à sa mort en 1960. L’héritage politique de ces deux grands hommes a marqué durablement l’évolution géopolitique des deux Corées depuis soixante-cinq ans.

Trois ans de guerre et soixante ans d’une paix armée ont créé deux sociétés totalement opposées, malgré le fait que les Coréens forment l’un des peuples les plus homogènes d’Asie. Au Nord, 24 millions de citoyens vivent sous un régime marxiste pur et dur, où la classe dirigeante a privilégié les dépenses militaires et la mobilisation de masse au détriment de l’économie.

Au cours des années récentes, on a parlé de famines répandues dans les campagnes nord-coréennes. Le régime, présidé par trois générations de Kim, a priorisé le développement de l’arme nucléaire et, tout récemment, a menacé le régime sud-coréen, ainsi que le Japon et les États-Unis, de les attaquer. Pourtant, pendant près de deux décennies (1991-2008), les gouvernements des deux Corées ont tenté un rapprochement, qualifié de «politique du rayon de soleil». Mais les sanctions des Nations Unies contre la Corée du Nord ont eu raison de ce rapprochement. L’une des réalisations les plus prometteuses de cette coopération a été le complexe industriel de Kaesong, situé à 10 km au nord de la frontière. Financé par le gouvernement et les industries sud-coréennes, il emploie 53 000 travailleurs nord-coréens et constitue une source d’emploi et de devises important pour Pyongyang. En raison de la tension militaire croissante, le régime nord-coréen vient d’en ordonner la fermeture.

Au sud de la frontière, le régime de Séoul, fort de ses 48 millions de citoyens et de l’aide et de la protection des États-Unis, s’est relevé des ruines de la guerre pour devenir la treizième économie mondiale, membre du G20 et dont le niveau de vie a rejoint celui des États d’Europe de l’Ouest. Les produits de ses sociétés industrielles (automobiles, ordinateurs, téléphones, tablettes électroniques, téléviseurs) se retrouvent partout dans le monde.

Finalement, on voit mal une issue au conflit coréen à court et à moyen terme. L’allié traditionnel de Pyongyang, la Chine, est son principal partenaire commercial et unique fournisseur d’énergie; Pékin aimerait que le régime nord-coréen adopte le modèle chinois (maintien du communisme politique avec une ouverture économique au capitalisme). Mais en même temps, Pékin redoute que cette éventuelle ouverture ait pour conséquence une mainmise économique sud-coréenne et, à plus long terme, une réunification des deux Corées sous le contrôle de Séoul avec l’appui des États-Unis.

La péninsule coréenne est donc emblématique du bras de fer qui se joue depuis quelques années entre la Chine et les États-Unis pour le contrôle des espaces côtiers et maritimes de l’Asie du Nord-Est et de la façade Nord-Ouest du Pacifique. Pour les États-Unis, il s’agit de ne pas céder du terrain et de maintenir, sinon renforcer, les traités d’assistance militaire et de partenariat économique avec ses principaux alliés de la zone Asie-Pacifique (Japon, Corée du Sud,Taïwan, Thaïlande et Philippines).

Jean Cermakian est professeur associé au Département des sciences de l'environnement.

Jean Cermakian est professeur associé au Département des sciences de l’environnement.

Références Web de notre blogueur :

Article de Wikipédia sur la Guerre de Corée (1950-1953)

Article de Wikipédia sur la Corée du Nord

Article de Wikipédia sur la Corée du Sud

Blogue intitulé «Paroles de géographes» publié par le journal Le Monde et portant sur la Corée du Nord.

Dossier de Radio-Canada intitulé: «Corée du Nord : l’escalade» (mis à jour au 26 avril 2013)

Situation ethnolinguistique de la Corée du Nord (site de l’Université Laval)

Situation ethnolinguistique de la Corée du Sud (site de l’Université Laval)