En raison du vieillissement de la population et de la croissance démographique, l’offre de soins palliatifs ou de fin de vie est appelée à se développer, au Québec et partout dans le monde. Parmi les professionnels de la santé interpellés par cette réalité, les ergothérapeutes ont un rôle important à jouer, pour faciliter les derniers moments de vie des personnes. Mais à quoi ressemble la pratique actuelle des ergothérapeutes en soins palliatifs? S’intéressant à cette question, la professeure Marlène Falardeau, du Département d’ergothérapie de l’UQTR, a mené une étude auprès d’ergothérapeutes québécoises œuvrant en soins palliatifs dans des services de soutien à domicile de CLSC. Ce projet a permis de constater qu’il y a encore matière à amélioration pour clarifier le rôle des ergothérapeutes, bonifier leur travail auprès de la clientèle et accroître la collaboration interdisciplinaire.
«L’ergothérapie en soins palliatifs est une pratique en émergence. Au Québec, peu d’études se sont consacrées à ce sujet. J’ai donc choisi de mener un projet de recherche sur cette thématique. Ayant moi-même œuvré en soins palliatifs, j’ai pu constater que l’offre de services est encore insuffisante et que les ergothérapeutes manquent de temps et de ressources pour intervenir auprès des personnes en fin de vie», rapporte la professeure Falardeau, qui offre un cours en soins palliatifs aux étudiants en ergothérapie de l’UQTR.
Constats et difficultés
L’étude a révélé que le rôle de l’ergothérapeute, en soins palliatifs ou de fin de vie, est souvent restreint aux aspects physiques et matériels. Ainsi, l’ergothérapeute intervient surtout pour compenser les pertes d’autonomie de la personne (aides techniques), éviter les chutes et les blessures, réduire la fatigue, améliorer le confort, prévenir les plaies ou diminuer la douleur. Bien que ces activités soient essentielles, peu de place est laissée à l’intervention holistique qui tient compte des interactions entre les diverses composantes de la personne et des environnements.
«Comme plusieurs autres professionnels de la santé, les ergothérapeutes se sentent souvent surchargées de travail. Elles ont alors tendance à investir leur temps dans les aspects techniques, au détriment par exemple des besoins émotionnels ou spirituels des personnes. Cependant, même si les interventions techniques sont utiles, l’ergothérapie doit englober une pratique plus élargie», explique la chercheuse.
Le rôle des ergothérapeutes apparaît également mal défini au sein des équipes de travail en soins palliatifs. Plusieurs intervenants semblent méconnaître les possibilités de la profession. La collaboration interdisciplinaire est souvent qualifiée d’insuffisante et il y a parfois confusion entre les rôles des intervenants. Les ergothérapeutes ne font pas nécessairement partie intégrante de l’équipe étant donné qu’elles sont, la plupart du temps, reléguées au rôle de consultantes.
«La grande majorité des répondantes ont également mentionné qu’elles se considèrent comme insuffisamment outillées pour intervenir en soins palliatifs, note la professeure Falardeau. Elles souhaiteraient recevoir une formation spécifique à ce type d’intervention, en tenant compte davantage des dimensions affectives, sociales et spirituelles. Elles voudraient aussi bénéficier de plus de soutien, parce que leur travail auprès des personnes en fin de vie est exigeant et difficile sur le plan émotionnel.»
Pistes de solutions
À la lumière de ses travaux, la professeure Falardeau croit qu’il faudrait clarifier le rôle de l’ergothérapeute au sein des équipes d’intervention en soins palliatifs, et ce, de façon régulière. À cet égard, les ergothérapeutes devraient renforcer davantage leur leadership et leurs habiletés de communication avec les autres intervenants, les gestionnaires et les décideurs politiques. Le milieu de travail devrait aussi permettre aux ergothérapeutes de développer davantage l’approche holistique de leur profession qui considère l’être humain dans son ensemble, en interaction avec ses environnements.
«De plus, il faudrait donner aux ergothérapeutes un accès à du soutien et à de la formation portant à la fois sur l’approche spécifique auprès des personnes en soins palliatifs et sur le travail dynamique en équipe. Déjà, à l’UQTR, nos futurs ergothérapeutes reçoivent plusieurs heures de formation sur les soins palliatifs. Des microprogrammes et des cours existent également, pour permettre aux ergothérapeutes en exercice de se perfectionner», d’ajouter la professeure Falardeau.
Pour la chercheuse, il ne fait aucun doute que la profession d’ergothérapeute gagne à être connue et doit avoir sa place au sein des équipes de soins palliatifs. «Les ergothérapeutes accordent la priorité au bien-être et à l’autonomisation de la personne. Leur travail ne peut qu’apporter une aide précieuse aux personnes en fin de vie, à leurs proches ainsi qu’aux autres intervenants en santé», commente Mme Falardeau.
Quelques chiffres
Seulement 16% à 30% des Canadiens qui meurent ont actuellement accès ou reçoivent des services de soins palliatifs et de soins de fin de vie – selon l’endroit où ils vivent au Canada.
La plupart des Canadiens interrogés indiquent qu’ils préféreraient mourir à la maison entourés de leurs proches; pourtant, près de 70% des décès au Canada surviennent dans un hôpital.
En 2007, 23% des Canadiens ont indiqué qu’ils avaient soigné un membre de leur famille ou un ami proche atteint d’un problème de santé grave, au cours des 12 derniers mois.
En 2041, environ un Canadien sur quatre devrait avoir 65 ans et plus.
Source : site Web de l’Association canadienne de soins palliatifs
L’ergothérapie
L’ergothérapie vise à favoriser la santé et le bien-être par les activités quotidiennes. L’ergothérapeute intervient plus spécifiquement auprès d’enfants, d’adolescents, d’adultes ou de personnes âgées ayant des incapacités physiques, cognitives ou mentales qui entravent leurs activités. L’ergothérapeute travaille également en prévention et en promotion de la santé.