L’avis psychologique
Collaboration de Josianne Fournier, consultante en psychologie au Service aux étudiants
Après quelques années de fréquentation du site Facebook, j’ai assisté à l’annonce de nouvelles parfois heureuses, parfois tristes, parfois ridicules, parfois surprenantes. Sur Facebook, on peut connaître tous les détails de la relation amoureuse d’un ami, on peut voir l’échographie de la blonde de notre voisin, on peut apprendre le décès d’une collègue, on peut voir les photos de mariage du cousin de notre colocataire, etc. En mars 2013, il y avait 1,11 milliard de membres actifs sur Facebook, 300 millions de photos téléchargées, 3,2 milliards de «J’aime» et de commentaires par jour [i]. Ce «faux» sentiment de proximité avec autrui et l’impression d’instantanéité soulèvent des questions quant aux conséquences possibles de Facebook sur le développement des relations interpersonnelles. Plusieurs professionnels se sont penchés sur la question. Voici un compte rendu des dernières conclusions sur les effets pernicieux de l’utilisation de Facebook.
Un des thèmes les plus récurrents lorsqu’on parle des conséquences de Facebook demeure la jalousie. Plusieurs chercheurs sont d’avis que Facebook peut entraîner des sentiments jaloux et suspicieux au sein d’une relation amoureuse [ii]. Les formats «fil de nouvelles», «statut», «J’aime» et les commentaires ne permettent pas de capter la réelle intention des gens ni leurs émotions. En conséquence, il n’est pas rare dans l’univers de Facebook d’être témoin d’erreurs d’interprétation, ce qui favorise l’émergence de conflits indirects.
L’utilisation de Facebook expose les couples à des informations ambigües concernant leur partenaire auxquelles ils n’auraient pas eu normalement accès. Muise et al. (2009) ont trouvé que 80% des participants de leur étude avaient comme ami Facebook un ancien partenaire sexuel ou amoureux. Contrairement à d’autres sites, par exemple Hotmail, où il est nécessaire d’avoir le mot de passe de son partenaire pour surveiller ses activités, Facebook permet de suivre les actions d’autrui et d’initier des enquêtes de manière très discrète : «Pourquoi cette fille a-t-elle identifié mon copain sur sa photo? », «Pourquoi est-ce que ma blonde a cliqué « J’aime » sur le commentaire de ce gars-là» et «Qui sont les deux nouvelles amies de mon chum?». Muise et al. avancent que les femmes ne sont pas plus jalouses que les hommes, mais qu’elles fréquentent davantage Facebook que les hommes, ce qui peut amplifier leurs sentiments jaloux. Des études ont trouvé que les adeptes de Facebook peuvent se connecter jusqu’à 11 fois dans une journée, pour un total de 3 heures de navigation. Il est à noter que Facebook n’est pas le seul responsable de l’émergence de sentiments jaloux dans une relation amoureuse; d’autres facteurs, tels que la dynamique relationnelle et une tendance à l’insécurité, peuvent expliquer pourquoi certaines personnes utilisent Facebook comme un outil d’espionnage plutôt qu’un site de divertissement.
D’autres chercheurs se sont intéressés à l’impact du bouton «J’aime» sur les relations sociales [iii]. Il est pertinent de prendre conscience qu’il n’existe pas de bouton «Je n’aime pas», ce qui pousse les gens à publier des nouvelles positives afin d’obtenir une rétroaction de leur réseau. Dans leur étude, Monin et al. (2011) ont trouvé que la majorité des participants partageaient, sur Facebook, leurs émotions positives, mais qu’ils avaient tendance à considérer leurs émotions négatives comme étant privées. Conséquemment, les résultats démontrent que les participants sous-estiment la prévalence des émotions négatives chez autrui, ce qui induit un sentiment de solitude, des ruminations et un sentiment d’insatisfaction. En d’autres termes, le fait de voir que la plupart de nos amis voyagent, se marient, achètent des maisons, fondent des familles et obtiennent des promotions au travail amène une perception selon laquelle la majorité des gens sont heureux. On peut alors être facilement tenté de se comparer et de dévaloriser notre situation de vie. Cependant, on doit être conscient que la vie comporte nécessairement des hauts et des bas, mais que l’individualisme, la performance et la compétition sociale poussent les gens à ne dévoiler que le positif!
En conclusion, si vous sentez que Facebook vous permet d’échanger avec des amis, de voyager à travers les photos de vos proches, de planifier des activités de groupe et de garder contact avec des amis éloignés par la distance géographique, votre utilisation est sans doute positive et elle entraîne des effets tangibles dans votre vie.
Au contraire, si vous avez l’impression d’être constamment triste, en colère ou déçu suite à vos visites sur Facebook, il est possible que votre utilisation dépasse le but premier des réseaux sociaux, c’est-à-dire entretenir ses relations sociales. Posez-vous la question suivante : «Quelle est ma réelle intention lorsque je me connecte sur Facebook? ». Selon la réponse, vous pourrez évaluer la pertinence et l’importance de Facebook dans votre vie.
Si cet article soulève des questions ou si vous avez besoin d’information quant aux ressources d’aide disponibles, n’hésitez pas à prendre rendez-vous au Service de psychologie du Service aux étudiants au 1275 Albert-Tessier (819 376-5011, poste 6056).
[i] Duffez, O. (2013). Chiffres clés sur Facebook. Repéré à http://www.webrankinfo.com/dossiers/facebook/chiffres-cles-facebook
[ii] Muise, A., Christofides, E., & Desmarais, S. (2009). More information than you ever wanted: Does Facebook bring out the green-eyed monster of jealousy? CyberPsychology and Behavior, 12(4), 441-444.
[iii] Jordan, A. H., Monin, B., Dweck, C. S., Lovett, B. J., John, O. P., & Gross, J. J. (2011). Misery has more company than people think: Underestimating the prevalence of others’ negative emotions. Personality and Social Psychology Bulletin, 37(1), 120-135.