Au cours des dernières décennies, les projets en partenariat public-privé (PPP) se sont développés à travers le monde, permettant aux gouvernements d’offrir des services aux citoyens en mettant à profit l’expertise d’entreprises privées. Cependant, ces projets ont souvent mauvaise presse, suscitant la méfiance des contribuables. Pourtant, selon la professeure Dorra Skander du Département des sciences de la gestion de l’UQTR, qui s’intéresse depuis une dizaine d’années aux PPP, ces derniers gagnent à être mieux connus et présentent des avantages, pourvu qu’ils soient bien utilisés et gérés dans des conditions gagnantes.
«Les qualités des PPP sont rarement mentionnées dans les médias. Ces derniers s’intéressent surtout aux projets controversés, négligeant les histoires à succès. Les gens ne connaissent pas bien les PPP ou les confondent avec des projets en sous-traitance, récemment reliés à la collusion et la corruption. De leur côté, plusieurs politiciens n’apprécient pas les PPP parce qu’ils sont impopulaires et que leurs retombées positives ne se concrétisent qu’à moyen ou long terme», mentionne Mme Skander.
Définition et avantages
Le partenariat public-privé est un accord formel établi entre des partenaires du secteur public et du secteur privé, pour la prestation d’un service public ou le développement d’une infrastructure publique. Il prévoit un partage des risques, des ressources, des coûts et des bénéfices entre les partenaires. Un projet en PPP peut prendre plusieurs formes et inclure différents livrables (conception, construction, exploitation, entretien, etc.).
Les PPP sont apparus en raison d’un rapprochement entre les secteurs public et privé. L’administration gouvernementale, aux prises avec des problèmes de bureaucratie et de rareté des ressources humaines et financières, a souhaité devenir plus efficace en adoptant les valeurs préconisées par le secteur privé (approche client, flexibilité, entrepreneuriat, etc.). De leur côté, les entreprises se sont sensibilisées à la responsabilité sociale et à l’éthique.
«Cette convergence entre les secteurs public et privé est à la base des initiatives de collaboration comme les PPP. Ceux-ci permettent de mettre en commun les expertises de chaque partenaire, pour la réalisation d’un projet commun. Mais attention! Le secteur public ne se départit pas de ses responsabilités. Il demeure répondant du projet envers les citoyens, voit à la bonne marche des opérations et participe aux revenus», souligne la chercheuse.
Le PPP présente de multiples avantages. Il permet la réalisation d’infrastructures lourdes que le secteur public n’est pas en mesure d’assumer seul. Il évite les dépassements de coûts en se basant sur une entente de partenariat prévoyant toutes les étapes du projet, ainsi que les frais et risques globaux. Il offre aussi l’occasion au secteur public de tirer parti de l’efficience opérationnelle et administrative des entreprises privées. De plus, le PPP permet aux entreprises participantes de se bâtir une réputation, une crédibilité et une expertise dans un domaine particulier. Les partenaires du secteur privé d’un PPP obtiennent aussi un accès privilégié à des ressources supplémentaires (garanties financières gouvernementales, taux financiers avantageux, etc.).
«Le plus important facteur de réussite d’un PPP demeure la capacité partenariale des participants, affirme Mme Skander. Pour accroître les chances de succès d’un PPP, les partenaires doivent être capables de communiquer, de se faire confiance et d’avoir une vision convergente du projet. Les parties doivent devenir de véritables partenaires et trouver un juste compromis, quant à leurs objectifs et leurs valeurs. Le succès d’un PPP repose principalement sur l’efficience de la relation de collaboration entre les partenaires.»
En contrepartie, différents facteurs peuvent nuire au succès des PPP. Si les partenaires s’en tiennent uniquement aux clauses du contrat sans développer une vision commune, cela contrecarre la bonne marche du projet. Ce dernier peut aussi être compromis par des mésententes entre les intervenants ou par le manque d’appuis politiques.
Parmi les pays faisant figure de précurseurs dans le domaine des PPP, mentionnons le Canada, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Au Québec, quelques projets en PPP ont déjà été réalisés avec succès, telle l’autoroute 25 reliant Montréal et Laval. Le portail BonjourQuébec.com s’avère également un exemple de réussite, mettant en collaboration Tourisme Québec et Bell Canada. Un autre projet en PPP, réunissant deux ministères et une firme d’ingénierie et de géomatique, a aussi permis le développement d’infrastructures servant à la numérisation des cadastres.
PPP ou pas?
Avant d’opter pour la formule PPP, il faut évaluer si celle-ci s’applique bien au projet en cause, en termes de pertinence et de faisabilité. Pour la professeure Skander, cette évaluation en amont du projet demeure indispensable. Certains secteurs plus sensibles du domaine public, tels que la gestion des prisons, l’administration de données confidentielles ou les services à la jeunesse, peuvent s’avérer moins appropriés pour la réalisation d’un projet en partenariat public-privé. Les gouvernements doivent alors opter pour d’autres mécanismes de réingénierie de l’État.
«Il reste encore beaucoup à apprendre sur les PPP, car c’est un sujet complexe. De plus, les effets de ces projets se mesurent surtout à long terme. Il nous faudra donc laisser le temps agir, pour pouvoir évaluer tous les fruits des projets en partenariat public-privé », de conclure Mme Skander.
Quelques chiffres
Entre 2009 et 2011, 52 projets d’approvisionnement par un PPP ont été clôturés au Canada. Les principaux secteurs publics touchés par ces projets sont les hôpitaux et services de santé (37%), le transport (23%), la justice et les services correctionnels (21 %) ainsi que les loisirs et la culture (8%).
Source : PPP Canada (www.p3canada.ca)
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