Transformer les résidus de cultures maraîchères en biocharbons pour améliorer les sols cultivables
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Mots-clés: biocharbon, Innofibre, matériaux lignocellulosiques, producteurs horticoles, Simon Barnabé
Lorsque les producteurs horticoles cultivent fruits et légumes, ils doivent trouver une façon de disposer des parties non comestibles de leurs plants, qui ne peuvent servir à l’alimentation. Ces résidus retournent bien souvent à la terre, sous forme de compost ou directement enfouis dans le sol. Mais pourrait-on utiliser ces déchets autrement? Une avenue prometteuse est la production de biocharbons. Ces derniers, issus de la carbonisation de matières résiduelles organiques, seraient susceptibles d’améliorer la performance des sols cultivables. Étudiante au doctorat en sciences et génie des matériaux lignocellulosiques à l’UQTR, Isabelle Auclair s’intéresse particulièrement aux biocharbons (appelés aussi biochars), dans le but d’aider les producteurs agricoles à valoriser leurs déchets tout en bonifiant leurs terres.
«Les biochars présentent des propriétés fertilisantes, agronomiques et structurelles avantageuses pour les sols et les cultures. Cependant, les études sur les biochars ont surtout été réalisées en zones tropicales, peu ayant été effectuées sous climat tempéré. De plus, les caractéristiques des biocharbons issus de résidus maraîchers demeurent méconnues, d’où l’intérêt de mon projet de recherche. Je suis aussi motivée par le fait que d’ici 2020, il ne sera plus possible d’enfouir des déchets organiques putrescibles dans les dépotoirs québécois. Il faudra donc trouver un moyen de valoriser ces résidus», d’expliquer Mme Auclair, qui œuvre au Centre de recherche sur les matériaux lignocellulosiques (CRML) de l’UQTR.
Quelques avantages du biochar
- Augmentation du pH d’un sol acide
- Rétention d’eau et d’éléments nutritifs dans le sol
- Milieu propice aux micro-organismes bénéfiques
- Formation d’agrégats augmentant la résistance à l’érosion et à la compaction
- Décontamination des sols
- Diminution des émissions de gaz à effet de serre
- Séquestration du carbone dans le sol
Prétraitement et carbonisation
La jeune chercheuse poursuit trois grands objectifs : produire des biocharbons à partir de résidus maraîchers et lignocellulosiques, étudier leurs caractéristiques et tester leur performance en milieu contrôlé. Pour son projet, l’étudiante bénéficie de la collaboration de producteurs maraîchers locaux de poireaux, de pommes de terre et de choux (Ferme du Domaine 2000, Les Terres maraîchères Norvie et l’entreprise Massibec). La firme BRQ Fibre et Broyure lui fournit aussi des broyures de bois sec recyclé, lesquelles serviront à absorber une partie de l’eau présente dans les résidus maraîchers, qu’il faut assécher.
«Pour l’instant, mes tests de carbonisation sont menés à petite échelle, en laboratoire. Des essais à plus grande échelle seront ensuite réalisés avec la collaboration de l’entreprise Airex Énergie. Avant la carbonisation, il faut d’abord prétraiter les résidus maraîchers et réduire leur taille. Nous avons utilisé, par exemple, une machine agricole appelée fourragère pour déchiqueter les résidus maraîchers. Pour réduire ensuite le haut taux d’humidité de ces résidus, tout en conservant un maximum de carbone, j’ai opté pour une méthode de séchage lent au four, à faible température», rapporte l’étudiante, dont les travaux laissent flotter une odeur de légumes caramélisés au sein du laboratoire…
La chercheuse traite séparément chaque résidu de légumes, afin de pouvoir produire et évaluer différents biocharbons. Après le prétraitement des résidus maraîchers, ces derniers sont carbonisés au four pendant un temps prédéterminé. Ce traitement entraîne la déshydratation, le brunissement et la modification des propriétés physiques et chimiques de la matière résiduelle. Outre des huiles et des gaz, cette carbonisation produit un matériau noir, enrichi en carbone, léger et poreux : le biochar.
Tests et analyses
Mme Auclair doit analyser différentes caractéristiques de ses biocharbons afin d’évaluer si ceux-ci peuvent servir à amender le sol et favoriser la croissance végétale. Les propriétés physiques (granulométrie, densité, porosité, rétention d’eau, aptitude à l’ensachage et au transport, etc.) et chimiques (concentration en nitrate, azote, phosphore, potassium, etc.) seront examinées. Des tests biologiques seront aussi effectués, notamment pour jauger de la toxicité des biocharbons et vérifier s’ils sont appréciés des vers de terre. De plus, des tests en laboratoire permettront de mesurer la capacité des biocharbons à retenir les éléments nutritifs. Des expériences en serre seront aussi menées pour évaluer les effets potentiels des biocharbons sur les cultures horticoles.
Matériau d’avenir
Trouver la recette gagnante pour l’obtention de biocharbons destinés à l’amendement des sols requiert patience et détermination, car plusieurs facteurs influencent leur efficacité (processus de production, biomasse, type de sol, culture agricole visée, etc.).
«Pour l’instant, les biochars coûtent cher à produire. Pour diminuer le pH d’un sol, par exemple, ils sont plus dispendieux que la chaux. Cependant, ils ont d’autres utilités intéressantes comme la rétention d’éléments nutritifs. Ils pourraient ainsi s’avérer avantageux pour diminuer les coûts de fertilisation des cultures. Des études menées aux États-Unis démontrent d’ailleurs que les biochars aident à retenir les éléments nutritifs du lisier de porc, ce qui permet de réduire les pertes d’engrais vers les cours d’eau et le développement d’algues bleues. Les biochars constituent donc une solution environnementale d’avenir pour valoriser la biomasse putrescible», d’affirmer la chercheuse.
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Mme Auclair réalise ses travaux de recherche sous la direction du professeur Simon Barnabé, du Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR, et la codirection de Mario Parenteau, directeur d’Innofibre – Centre d’innovation des produits cellulosiques (Cégep de Trois-Rivières). Ses travaux sont également codirigés par la professeure Suzanne Allaire (Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, Université Laval). L’étudiante bénéficie aussi de la collaboration du chargé de projet Jean-Philippe Jacques (Innofibre) et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).