Et si votre téléphone cellulaire pouvait fonctionner… à l’hydrogène?
Imaginez que vous puissiez un jour recharger votre téléphone cellulaire rapidement, sans avoir recours à une prise électrique. Ce rêve pourrait devenir réalité grâce à l’hydrogène, un vecteur énergétique potentiellement utilisable dans des appareils portables. À l’Institut de recherche sur l’hydrogène de l’UQTR, l’étudiant Thomas Bibienne se penche depuis plusieurs années sur les possibilités de stockage de l’hydrogène dans un solide, afin de pouvoir utiliser ensuite ce gaz pour alimenter une pile à combustible. Cette avenue de recherche, au cœur de son doctorat en sciences de l’énergie et des matériaux, pourrait ouvrir des voies fort intéressantes pour l’industrie des applications mobiles.
«Une pile à combustible fait réagir de l’hydrogène avec l’oxygène de l’air. Cette réaction produit de l’énergie, ainsi que de l’eau. Cette pile peut prendre différents formats, même très petits, ce qui est intéressant pour un téléphone cellulaire, par exemple. Cependant, il faut alimenter cette pile à combustible en hydrogène, d’où la nécessité de trouver un moyen de stocker ce gaz de façon compacte et sécuritaire», rapporte M. Bibienne.
Il existe trois principales possibilités de stockage pour l’hydrogène. Sous forme gazeuse, il occupe un très grand volume, non propice à des applications mobiles. Sous forme liquide, l’hydrogène doit être maintenu à –253 0C, une température peu conviviale pour des usages courants. «Il reste donc l’option du stockage de l’hydrogène dans un solide. Cette solution s’avère particulièrement avantageuse pour un appareil portable. En effet, l’hydrogène est cinq fois plus concentré dans un solide que sous forme gazeuse, et deux fois plus concentré que sous forme liquide», souligne le chercheur.
Dans ses travaux, l’étudiant Thomas Bibienne s’intéresse tout particulièrement à des solides formés d’un alliage de différents métaux, afin d’en évaluer le potentiel comme réservoirs d’hydrogène.
Absorption et alliages
Mais comment introduire l’hydrogène dans un solide? L’entrée du gaz dans un alliage métallique est forcée grâce à une pression d’environ 20 fois supérieure à la pression ambiante. En raison d’une réaction chimique, le solide absorbe l’hydrogène, un peu comme une éponge absorberait l’eau. Au cœur de la structure atomique de l’alliage, il existe de très nombreux espaces vacants (voir illustration) où l’hydrogène ira se loger.
Une fois de nouveaux liens chimiques créés entre l’hydrogène et les atomes métalliques, le solide modifié devient un hydrure. Ce dernier doit pouvoir ensuite relâcher l’hydrogène dans l’environnement au moment voulu, pour alimenter la pile à combustible. Dans un appareil d’utilisation courante, l’hydrogène devrait idéalement s’échapper de l’hydrure à la pression atmosphérique.
«L’alliage sur lequel je me penche pour mes travaux de recherche est composé de titane, de vanadium et de chrome. Ce mélange a été ciblé parce qu’il présente des propriétés potentiellement intéressantes pour faciliter la première absorption de l’hydrogène par le solide, puis le relâchement du gaz par l’hydrure. J’ai effectué des tests en variant les pourcentages de métaux présents dans l’alliage, pour vérifier notamment l’impact sur la vitesse d’absorption et de libération de l’hydrogène, ainsi que sur la stabilité de l’hydrure», explique le chercheur.
Principaux défis
L’un des grands défis auxquels doit faire face l’étudiant est la première absorption d’hydrogène par l’alliage. «Il est plus difficile à l’hydrogène de se frayer un chemin dans le solide la première fois, car l’alliage s’oxyde rapidement et s’entoure d’une couche que le gaz a du mal à franchir. J’ai donc ajouté une petite quantité d’autres métaux dans l’alliage, afin de faciliter cette première absorption. Une fois l’hydrure vidé de son hydrogène, il devient ensuite beaucoup plus facile de faire pénétrer à nouveau le gaz dans l’alliage, un peu comme si l’hydrogène avait déjà tracé sa route», note-t-il.
Le chercheur travaille également à la réduction des coûts de production de ses alliages. Par exemple, il explore la possibilité de remplacer le vanadium, plutôt dispendieux, par du ferrovanadium (vanadium + fer) coûtant dix fois moins cher.
«Il faut aussi s’assurer que l’alliage puisse servir de nombreuses fois comme réservoir d’hydrogène, c’est-à-dire être rempli et vidé à plusieurs reprises. D’autres recherches devront donc être réalisées pour vérifier cette capacité de réabsorption à long terme de l’alliage, notamment par des études de cyclage», mentionne l’étudiant.
En cours de doctorat, M. Bibienne s’est rendu en France à trois reprises pour y mener des travaux en microscopie électronique. Ces derniers lui ont permis d’examiner le cœur de ses alliages, à très petite échelle, pour mieux comprendre les liens entre les microstructures et l’absorption d’hydrogène.
Améliorer les connaissances
Les projets de recherche menés par Thomas Bibienne contribuent déjà à une meilleure compréhension des phénomènes liés à l’absorption de gaz par des solides. «La recherche fondamentale demeure mon but premier. Mais s’il devient possible d’utiliser mes travaux pour une application concrète, ce sera la cerise sur le gâteau. Déjà, je pense avoir obtenu des résultats prometteurs en vue de l’utilisation de l’hydrogène comme vecteur d’énergie pour des applications mobiles. Quand on pense aux milliards d’appareils portables utilisés dans le monde, une avancée dans ce domaine serait sûrement la bienvenue», constate le chercheur.
Originaire de France, l’étudiant Thomas Bibienne réalise ses travaux de recherche sous la direction des professeurs Jacques Huot (Département de chimie, biochimie et physique, UQTR) et Jean-Louis Bobet (Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux, France). En avril dernier, M. Bibienne a remporté le premier prix dans la catégorie doctorat au concours Ma thèse en 180 secondes de l’UQTR.