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Tableaux numériques interactifs dans les écoles québécoises : des pratiques qui varient selon les enseignants

Au cours des dernières années, le tableau numérique interactif (TNI) a fait progressivement son entrée dans les écoles québécoises. Après s’être familiarisés avec ce nouvel outil, où en sont maintenant les enseignants quant à l’utilisation du TNI? Pour répondre à cette question, les professeurs Sonia Lefebvre et Ghislain Samson, du Département des sciences de l’éducation de l’UQTR, mènent une étude subventionnée par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) du Québec. Ce projet de recherche, qui arrivera bientôt à terme, permet déjà de constater que les pratiques des enseignants québécois relativement au TNI sont variables et influencées par plusieurs facteurs.

Les professeurs Sonia Lefebvre et Ghislain Samson du Département des sciences de l’éducation de l’UQTR.

Les professeurs Sonia Lefebvre et Ghislain Samson du Département des sciences de l’éducation de l’UQTR.

«Environ 70% des classes québécoises sont actuellement équipées d’un TNI, mentionne le professeur Samson. L’objectif de 100% est visé pour 2016. S’il est de plus en plus présent dans les classes, le TNI constitue néanmoins une innovation exploitée de façon inégale. Peu de données scientifiques étant disponibles sur le sujet, nous avons voulu pousser plus loin les recherches, tout en fournissant un éclairage utile aux décideurs du MELS.»

Vaste enquête

Capture_miniLes deux chercheurs ont obtenu une subvention de 150 000$ du MELS en 2012, pour réaliser une étude intitulée L’impact de l’utilisation des tableaux numériques interactifs sur les pratiques pédagogiques des enseignants du primaire et du secondaire. Cette recherche a été menée au cours des dernières années dans les écoles publiques québécoises, à l’intérieur d’une quarantaine de commissions scolaires réparties dans plusieurs régions administratives.

«Dans une première phase, 300 enseignants ont répondu à des questionnaires. Par la suite, nous avons formé des groupes de discussion avec une trentaine de ces répondants. Cette même démarche a été reprise pour réaliser la phase deux de l’étude. Les participants à ce projet de recherche ont été recrutés sur une base volontaire», explique la professeure Lefebvre.

Résultats variables

Le portrait obtenu par les deux chercheurs n’est pas homogène : les enseignants n’affichent pas tous le même degré d’utilisation du TNI. La plupart savent se servir des fonctions de base de l’outil. Toutefois, ce dernier est encore majoritairement utilisé pour l’enseignement de type traditionnel, à des fins de présentation ou de prise de notes par les élèves. Les pratiques favorisant l’interactivité à l’aide du TNI demeurent peu employées, bien que certains enseignants soient plus avancés à cet égard et engagent les élèves dans l’utilisation du tableau.

Pour certains répondants, le TNI est un bon instrument, pour d’autres, il s’avère moins utile. La plupart des enseignants s’entendent toutefois pour dire que cet outil motive et intéresse les élèves. Ce sont les enseignants de plus de 10 ans d’expérience qui se sentent les plus autoefficaces dans l’utilisation du tableau numérique interactif.

«La mathématique est la matière où les enseignants utilisent le plus le TNI. Viennent ensuite les sciences et l’univers social, incluant l’histoire et la géographie. Le TNI est aussi employé notamment pour l’enseignement du français au primaire, dans des exercices de type cache-découvre visant l’apprentissage de l’orthographe», souligne le professeur Samson.

L’étude a aussi permis de constater que les enseignants du primaire sont plus susceptibles d’intégrer le TNI dans leur enseignement, parce qu’ils œuvrent toujours avec le même groupe d’élèves, dans un même local. L’utilisation du TNI peut donc se faire de façon plus spontanée qu’au secondaire, où les enseignants passent moins de temps avec chaque groupe.

L’usage du TNI est aussi modulé par d’autres facteurs. Les préoccupations pédagogiques des enseignants, comme le désir d’avoir un plus grand impact sur l’apprentissage de l’élève, d’utiliser le TNI autrement qu’un projecteur ou de faire participer les élèves, conditionnent le degré d’utilisation de l’outil.

«D’autres facteurs, d’ordre plus contextuel, influencent aussi l’emploi du TNI, rapporte la professeure Lefebvre. Le temps requis pour apprendre les fonctionnalités du TNI et développer des projets d’apprentissage avec cet outil peut freiner les efforts des enseignants. Les ressources d’aide et le matériel disponibles, ainsi que les problèmes techniques rencontrés, conditionnent aussi l’usage du tableau. La formation offerte, qui varie d’une commission scolaire à l’autre, a aussi un impact. Même le lieu où est installé le TNI peut devenir un facteur limitatif, par exemple si le tableau a été installé dans un endroit peu pratique ou inaccessible aux plus petits élèves.»

Développer le plein potentiel

Pour les deux chercheurs, le TNI n’est pas encore exploité au maximum de sa capacité dans les écoles québécoises. Ils constatent que l’implantation de l’outil se fait lentement, mais sûrement. Les investissements de temps nécessaires à l’utilisation interactive du TNI demeurent toutefois un frein majeur, chez les enseignants. «Outre la formation technique, il faut aussi offrir aux enseignants une formation pédagogique en lien avec le TNI. Il y a encore des gens à former, du travail à faire», mentionnent-ils.

À partir des résultats de leur étude, les professeurs Lefebvre et Samson ont également mis en lumière la nécessité de mener d’autres recherches sur différents aspects de l’utilisation du TNI. «Est-ce que le TNI améliore l’apprentissage chez les élèves? Quand est-il pertinent ou non d’utiliser cet outil? Comment gérer une classe avec le TNI, du point de vue de la posture de l’enseignant? Comment développer une communauté de pratique permettant aux enseignants et aux chercheurs de partager leurs connaissances sur l’usage du TNI? Voilà quelques pistes de recherche susceptibles d’être explorées», signalent les deux chercheurs, qui prévoient présenter leurs travaux ici et à l’étranger, à l’occasion de différents colloques en éducation.


Pour plus de renseignements sur l’implantation du TNI dans les écoles, il est possible de consulter un article publié par les professeurs Lefebvre et Samson, faisant la recension des écrits scientifiques (2000-2012) sur le sujet. Les deux chercheurs ont également dirigé un ouvrage collectif intitulé Le tableau numérique interactif : quand chercheurs et praticiens s’unissent pour dégager des pistes d’action, lequel sera disponible sous peu aux Presses de l’Université du Québec (PUQ). Notons que les professeurs Lefebvre et Samson sont membres du Laboratoire interdisciplinaire en intégration pédagogique des technologies de l’information et de la communication (LIIPTIC) de l’UQTR.