Université du Québec à Trois-Rivières

Julie Landrine Ngnikeu Nguebong: Quand la persévérance traverse un océan

Dans le cadre des Journées de la persévérance scolaire (JPS), du 15 au 19 février, les Services aux étudiants (SAE) soulignent le parcours d’étudiants s’étant démarqués par leur persévérance. Nous vous présentons aujourd’hui le portrait de Julie Landrine Ngnikeu Nguebong, étudiante au DESS en sciences comptables (CPA).

Julie Landrine Ngnikeu

Julie Landrine Ngnikeu Nguebong, étudiante au DESS en sciences comptables (CPA) à l’UQTR.

Julie est originaire du Cameroun, d’une famille de 13 enfants dont les parents possèdent une entreprise œuvrant, notamment, dans la confiserie, l’hôtellerie et l’éducation (gestion d’écoles privées à tous les niveaux d’enseignement). Comme elle est sur le point d’entrer à la licence (l’équivalent d’un baccalauréat au Québec), l’entreprise familiale éprouve des difficultés, alors Julie s’oriente en gestion pour y contribuer.

Elle complète sa licence comme 1re de sa promotion sur 500 étudiants, puis une maîtrise en finances et comptabilité (3e de sa promotion). Constatant qu’elle en a les capacités, son père l’invite à poursuivre au doctorat. Elle accepte le défi, mais elle veut un point de vue international. Son père y consent avec la condition suivante: partir avec sa petite sœur et fréquenter la même université pour l’encourager. Les deux sont retenues à l’UQTR (Julie à la maîtrise en administration des affaires — MBA avec spécialisation en gestion des PME – le doctorat est reporté).

C’est la première séparation familiale pour Julie. «Quand j’ai eu le visa pour le Canada, j’étais contente, mais pendant une semaine j’ai pleuré au point où quand je voyageais je n’avais plus de voix. Je n’arrivais pas à réaliser que j’allais quitter ma famille. En plus, j’avais l’obligation d’être forte moralement pour ma petite sœur, mais j’avais l’impression que c’était plutôt le contraire: je la voyais plus forte que moi.»

Arrivée au Québec, elle se heurte à l’accent québécois. Avant d’arriver, elle ne s’inquiétait pas, car le français est aussi la langue nationale camerounaise, mais l’accent est une autre histoire. «Une fois arrivée, j’ai été prise de panique [elle en rit aujourd’hui]». Le jargon québécois (p. ex., gang, char, taqueuse…), les «tu» ajoutés partout (p. ex., «tu peux-tu me donner ça?»)… Dans un cours, elle perd tous ses points de participation parce qu’elle ne comprend pas quand participer à cause de l’accent. Apprivoiser la bête lui prend deux trimestres.

Le climat québécois est une autre difficulté. «Chez nous [au Cameroun] c’est chaud, il fait tout le temps 28-30 degrés, même quand il pleut.» Au début, elle assiste à ses cours en gardant ses gants et parfois son manteau. Cette bête-là n’est toujours pas apprivoisée, mais elle s’y est «habituée» et quand ses professeurs la revoient ils la taquinent en lui disant: «Tu n’as plus tes gants?»

Elle doit également apprivoiser les technologies: Word, Excel, PowerPoint. Elle n’utilisait aucun de ces logiciels au Cameroun et allait dans un cybercafé pour accéder à un ordinateur. «Quand on me disait qu’il fallait faire un travail de session en utilisant Word, la police Times New Roman, je me disais “Mais c’est quoi cette affaire-là?”». Sa solution est de s’ouvrir aux autres. «S’ouvrir est une très grande qualité et je recommande aux autres [étudiants internationaux] de le faire. Peu importe la difficulté que je rencontrais, je n’étais pas gênée de demander quelques conseils à mes camarades.» Elle apprend beaucoup lors de la réalisation des travaux d’équipe. Elle est honnête, nomme ses difficultés et ses coéquipiers l’aident avec plaisir, car elle est prête à faire plus de travail pour combler ses lacunes.

Parmi ses autres astuces, elle ne néglige aucune évaluation (que ce soit 5% ou 30%). «Je veux que tout soit parfait, je mets toutes les chances de mon côté et je donne toujours le meilleur de moi.» Elle ajoute que la réussite va au-delà des notes et qu’il est important d’être respectueux envers les enseignants. Pour elle, avoir une bonne relation avec eux et être remarquée positivement est un gage de succès (qui la suit encore aujourd’hui).

En étudiant, elle observe les Québécois et constate que plusieurs ne font pas qu’étudier: ils s’impliquent socialement et performent tout de même en classe. Elle décide donc de s’impliquer dans le Comité CPA de l’UQTR, puis à Moisson Mauricie et à la Grande guignolée. «Ça m’a permis de voir plein d’autres choses, au niveau de l’organisation, la capacité à gérer des projets et des budgets et développer mon aisance à parler en public».

Elle n’a pas d’emploi étudiant pendant l’année scolaire pour conserver les résultats nécessaires à l’obtention des bourses d’exemption réduisant considérablement ses frais de scolarité, mais l’été elle travaille 19 heures par jour (aux fraises le matin, chez Costco en après-midi et gardienne de nuit au cégep) pour payer son loyer et sa nourriture. Elle est fière de pouvoir contribuer financièrement auprès de ses parents qui paient tout le reste, ce qui fait qu’elle tient 19 heures!

Grâce aux efforts déployés et au support de ses proches, Julie termine son MBA avec la mention «Très bien». Loin de s’arrêter là, ayant constaté qu’obtenir le titre d’expert-comptable est moins long ici qu’au Cameroun, elle s’inscrit au baccalauréat en sciences comptables qu’elle complète en deux ans grâce aux cours crédités.

Aujourd’hui, elle est au DESS en sciences comptables (CPA) et passera l’Examen final commun (EFC) en septembre 2017. Elle est titulaire de quatre diplômes universitaires, presque cinq (deux camerounais et trois canadiens). Elle est mariée, a deux belles filles, fait ses premiers pas en vérification comptable pour l’Agence du revenu du Canada et souhaite devenir auditeur.

Après ses études, elle continuera de travailler ici pour acquérir une solide expérience canadienne et éventuellement retourner au Cameroun afin de contribuer à développer l’entreprise familiale. «Je n’en suis plus seulement à faire des cours. Je me demande constamment comment appliquer le maximum chez moi. Mon but n’est pas nécessairement de rentrer définitivement. J’aimerais rapporter ce que j’ai appris et aider à faire évoluer les choses dans mon pays.  Tout le monde n’a pas l’opportunité de venir au Canada, mais nous qui sommes venus pouvons leur rapporter un peu. C’est sûr que chez nous il y a des choses très bien, mais il faut évoluer [comme partout].» Le doctorat est toujours dans ses plans… un jour.

Une de ses plus grandes fiertés est d’avoir été un bon exemple pour ceux qui l’entourent et gageons que ce n’est pas près de s’arrêter. Félicitations, Julie, pour chacune de tes réussites et nous t’en souhaitons de nombreuses autres, au Canada comme au Cameroun!

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