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Petite aux pôles, grande aux tropiques: les déterminismes climatiques de la taille des feuilles enfin révélés

D’un point à l’autre de la planète, la grandeur des feuilles chez les plantes peut varier considérablement, passant de moins d’un millimètre carré chez la cassiope tétragone à plus d’un mètre carré chez le bananier. Mais au-delà de la latitude, comment les facteurs climatiques influencent-ils la taille des feuilles? Cette question trouve enfin une réponse satisfaisante grâce au travail d’une équipe de chercheurs des quatre coins du globe, dont fait partie le professeur Vincent Maire du Département des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Les résultats novateurs obtenus par cette équipe, menée par le professeur Ian Wright (Macquarie University, Autralie), viennent d’être publiés dans le prestigieux magazine Science.

Cette nouvelle étude démontre que la combinaison de différents facteurs climatiques détermine de quelle façon varie la taille des feuilles à travers le globe. En développant un modèle, les chercheurs ont également établi que les risques de surchauffe et de gel nocturne ainsi que la disponibilité en eau contrôlent, ensemble, la taille maximale d’une feuille. De plus, dans une grande partie du monde incluant le Canada, le niveau de risque de gel nocturne se révèle le critère expliquant le mieux pourquoi une feuille sera grande ou petite.

Le professeur Vincent Maire (sciences de l’environnement, UQTR).

Recensement et constats

Pour mener cette étude, l’équipe de recherche a compilé des données sur la taille des feuilles chez plus de 7600 espèces de plantes, réparties sur près de 700 sites dans différentes zones climatiques du globe.

Ce vaste recensement a mis en lumière des constantes quant aux liens entre le climat et la taille des feuilles. Ainsi, les plantes à feuilles larges apparaissent prédominantes dans les environnements chauds et ensoleillés, à condition que la disponibilité en eau soit suffisante pour diminuer la température de la feuille par transpiration. Sous des conditions plus arides, les milieux chauds et ensoleillés sont plutôt habités d’espèces à feuilles plus petites, en raison du risque de surchauffe. Les feuilles de petite taille sont aussi plus présentes en haute altitude et haute latitude (près des pôles), mais pour une raison différente: elles risquent moins de souffrir du froid nocturne que les plantes à feuilles larges.

Validation d’un modèle prédictif

L’équipe de recherche a aussi construit un modèle théorique permettant de prédire la taille maximale d’une feuille pour un climat donné. Trouvant ses bases dans la biochimie et la biophysique, ce modèle prend en compte différents facteurs du climat (rayonnement solaire, température, précipitations) et leurs effets sur le bilan d’énergie d’une feuille. Il considère aussi que les limites de température vitale pour la feuille sont comprises entre -5°C et 50°C.

«Nous avons ensuite comparé les estimations de notre modèle théorique aux données réelles, rapporte le professeur Maire. Pour un climat donné, la taille maximale des feuilles observées dans la nature ne dépassait pas les prédictions de notre modèle. La validité de ce dernier s’en est donc trouvée confirmée.»

Une découverte

Les travaux réalisés par l’équipe de recherche ont aussi mené à une importante révélation. Dans le passé, les scientifiques évoquaient la disponibilité de l’eau et le risque de surchauffe comme principaux déterminismes de la taille des feuilles. Cependant, l’étude démontre que les températures enregistrées la nuit et le risque de dommages par le gel s’avèrent le déterminisme dominant sur 55% de la planète.

«Sous un ciel nocturne plus froid, les feuilles de grande taille sont désavantagées par rapport aux petites feuilles. Leur couche extérieure épaisse et isolante ne leur permet pas de tirer facilement de chaleur de leur environnement immédiat. Il leur est donc plus difficile de compenser l’énergie qu’elles perdent la nuit vers le ciel, par réémission dans l’infrarouge. Dans un ciel nocturne sans nuages, ce phénomène de perte peut être suffisamment important pour qu’une feuille gèle alors que la température de l’atmosphère est supérieure à zéro», d’expliquer le professeur Maire.

Voyager dans le passé, le présent et le futur

En plus de faire avancer significativement les connaissances dans le domaine de la biogéographie, l’étude menée par le professeur Maire et ses collaborateurs contribuera à améliorer les modèles planétaires simulant l’évolution du climat dans le futur. L’étude sera également utile aux paléontologues qui tentent de savoir, à partir de feuilles fossilisées, quelles étaient les conditions climatiques sur Terre dans un lointain passé.

Pour en savoir davantage au sujet des projets de recherche du professeur Vincent Maire, consultez son site Web ainsi que le magazine Connexion UQTR du printemps/été 2017 (page 15).