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Jacques Yves C. Onana: persévérer c’est essayer et essayer encore

Dans le cadre des Journées de la persévérance scolaire (JPS), du 12 au 16 février, les Services aux étudiants (SAE) soulignent le parcours d’étudiants s’étant démarqués par leur persévérance. Nous vous présentons aujourd’hui le témoignage de Jacques Yves C. Onana, étudiant au diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en gestion de projet.

Pour Jacques Yves, la persévérance, c’est: «être déterminé dans l’atteinte d’un objectif, s’accrocher, peu importe les échecs. Ça prend une grande détermination, quelles que soient les difficultés et de la résilience pour pouvoir supporter certains événements et rester debout malgré tout.»

Jacques Yves perd sa mère à l’âge de 12 ans. Alors qu’il est dans l’équivalent du secondaire 1 pour nous au Québec, il est attiré par le métier d’avocat. Dès lors, il aligne ses efforts en fonction de ce choix, mais le droit, lui, se fait désirer…

  • En 2001, alors qu’il termine ses études préuniversitaires en lettres (concentration allemand), il est parmi les cinq meilleurs étudiants, mais au moment de passer les tests d’admission universitaires (quatre jours d’examens généraux), il échoue une première fois.
  • Qu’à cela ne tienne, il réessaie l’année suivante, mais rate encore…
  • En 2003, troisième tentative et troisième échec. Au Cameroun, les résultats sont diffusés à la radio pour chaque établissement et malheureusement son nom n’est toujours pas annoncé. «Là, c’était le summum du désenchantement», dit-il.

«Mon père m’a dit: “tu vas encore essayer l’année prochaine”. Il croyait en moi, il savait que j’étais quelqu’un de déterminé». La quatrième fois sera la bonne, en 2004, à l’âge de 22 ans. Il ne peut entendre les résultats en direct, mais il les lira dans un journal. «Le soir, j’ai annoncé la nouvelle à mon père qui m’a dit: “quand je te voyais, je sentais que tu avais vraiment envie d’avoir cet examen, je sentais ta détermination et ton courage”».

Il s’inscrit à la licence en droit et commence ses cours en novembre. Ils sont jusqu’à 1500 étudiants par classe: «C’est comme une église», dit-il. Puisque les classes sont bondées, les étudiants matinaux (qui se présentent à 2h du matin pour déposer une feuille avec l’indication «réservé») ont une place en classe avec l’enseignant, mais les autres (comme Jacques Yves) sont soit dans des classes avec diffusion vidéo ou, pour les moins chanceux, à l’extérieur de l’établissement avec diffusion radio (quand l’électricité ne manque pas).

À la maison, son père et sa belle-mère ont choisi d’accueillir des membres de la famille éprouvant des problèmes de santé. Entre autres, son grand-oncle occupe sa chambre et il se retrouve dans le salon, au milieu de tout le bruit, pour étudier. C’est loin d’être idéal. Après quelques semaines, une de ses tantes accepte de le loger pour qu’il soit dans un environnement plus calme. Son père l’aide à payer ses différents frais de subsistance (frais de scolarité, transport, nourriture, etc.).

Malheureusement, en janvier 2005, son père décède des suites d’une importante crise d’asthme. Jacques Yves avait besoin de 5$ par semaine, pour ses frais de transport, mais personne ne peut l’aider, alors il arrête l’école pour la fin de l’année scolaire 2005-2006.

Grâce à une cousine ayant un contact dans un hôtel Hilton, il y entre comme cireur de chaussures. Comptant revenir à l’école dès que ce sera possible, il économise salaire et pourboires. À la rentrée 2006, il a assez d’argent pour retourner à l’école, en travaillant à temps partiel. Cette même année, il obtient aussi un emploi comme saisonnier au ministère des Affaires foncières en tant que cadre d’appui à l’inspection générale de la cellule anticorruption. C’est une occasion à saisir, alors il allie les deux emplois.

Puisque ses horaires de travail sont de jour, il ne peut assister aux cours, mais au Cameroun certains étudiants qui eux y assistent vendent leurs notes aux autres. C’est sa solution. Il lit donc ses cours le soir et il va en classe seulement pour faire les examens. Il reconnaît qu’il manquait de temps, qu’il aurait pu s’organiser autrement, mais il fait deux cours par session et quatre ans plus tard il termine sa première année.

En 2009, il est confirmé comme salarié de l’État (agent public), donc il lâche son emploi de cireur. Son horaire ne lui permet encore que d’acheter et de lire les cours. Cette même année, il rencontre son ex-femme avec laquelle il aura trois enfants, alors il vivra une triple conciliation famille-études-travail. Quatre autres années plus tard, il termine sa 2e année de licence.

En 2012, il change de ministère où son superviseur est compréhensif et lui permet d’organiser son horaire pour pouvoir accorder plus de temps à ses cours. Avec l’aide de tuteurs, il progresse plus rapidement et il obtient sa licence en 2014. «Je suis fier de moi, dans ma persévérance: dix ans pour avoir quelque chose qui se fait normalement en trois ans.»

Afin de se perfectionner pour son travail au gouvernement, il entreprend ensuite deux masters: un en marchés publics et commandes publiques et l’autre en droit des administrations publiques. Les frais de scolarité sont huit fois son salaire mensuel, mais heureusement, le ministère l’aide financièrement pour une portion. Comble du bonheur, l’horaire des cours est prévu pour les travailleurs (commençant après 15h). Pour la première fois depuis 10 ans, il peut enfin suivre ses cours en classe, en direct.

Pendant ses études au master, il entend parler du Programme canadien des bourses de la francophonie et il tente sa chance. Il n’est pas retenu d’abord, car seulement huit bourses sont offertes et il est le 10e candidat en lice. Toutefois, des bourses supplémentaires sont ajoutées et la sélection se rend jusqu’à lui. Ainsi, il traverse l’océan Atlantique pour se rendre à l’UQTR à l’automne 2017 et entamer le DESS en gestion de projets. En tant qu’agent public au Cameroun, il est en autorisation de mise en stage. Il pourrait percevoir son salaire ici, mais il a choisi de le déposer au pays pour éviter de tomber dans la surconsommation américaine. La bourse suffit à ses besoins.

Il recommande à un étudiant qui rencontrerait une difficulté «de définir clairement son objectif. Ensuite, quelles que soient les difficultés auxquelles il fera face, il devra s’y accrocher. Moi, j’ai passé quatre fois mon examen d’entrée à la licence, pas parce que j’étais bête, sans doute que j’étais stressé, mais j’y tenais, je me suis réessayé et j’ai réussi.»

Ses stratégies d’étude efficaces sont les suivantes:

  1. Travailler seul d’abord pour bien connaître le sujet et faire des recherches pour comprendre la matière de fond en comble.
  2. Pendant ce travail seul, s’assurer d’avoir un environnement adéquat:

Tout ce qui peut perturber les études, le téléphone, les réseaux sociaux, on ferme le tout pour focaliser et les résultats viendront. Le monde dans lequel nous vivons contient beaucoup de choses qui nous distraient. Les coupures engendrées par ces distractions empêchent la mémoire de bien fonctionner. Pour bien faire quelque chose, il faut s’y plonger, sinon on finit par ne rien bien faire. L’école est très jalouse. On ne mélange pas l’école avec autre chose. Il faut être fidèle à l’école. Quand on se met à étudier, il faut mettre le reste de côté.

  1. Lorsque la matière est bien comprise, étudier en groupe pour encore mieux réfléchir et jauger ses connaissances en discutant avec les autres.

Après son DESS, Jacques Yves compte retourner au Cameroun afin de servir son pays. Son emploi l’y attend toujours. Il achèvera ses masters. Éventuellement, il aimerait faire un doctorat dans la gestion de projets pour se perfectionner encore davantage. Dans un avenir plus éloigné, il aspire à démarrer son entreprise d’exploitation porcine dans son village natal. Il juge important d’avoir de l’ambition et de continuer à avancer.

Nous lui souhaitons le meilleur des succès dans tous ses projets et plus de quiétude pour les années à venir. Félicitations pour tout Jacques Yves!

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