Les résidus forestiers: une source intéressante de molécules aux propriétés sanitaires et pharmaceutiques
L’exploitation d’entreprises forestières génère de grandes quantités de résidus, composés principalement de l’écorce inutilisée des arbres. La plupart du temps, cette biomasse résiduelle est brûlée par l’industrie pour la production d’énergie. Mais pourrait-on trouver d’autres débouchés pour ces écorces? C’est à cette question que s’intéresse la biochimiste Isabel Desgagné-Penix, professeure à l’UQTR. En compagnie d’une équipe d’étudiants et de collaborateurs, la chercheuse travaille à extraire de ces résidus d’écorce des molécules intéressantes pour la fabrication de bioproduits sanitaires ou pharmaceutiques.
«Nous œuvrons en partenariat avec des entreprises et coopératives forestières québécoises pour valoriser les écorces résiduelles provenant de bouleaux, peupliers, épinettes et autres essences utilisées par l’industrie», explique la professeure Desgagné-Penix.
L’un des projets de la chercheuse, réalisé en collaboration avec Innofibre du Cégep de Trois-Rivières, a déjà porté fruit avec l’extraction de plusieurs types de molécules antimicrobiennes et antibactériennes, à partir des écorces. Ces molécules d’origine naturelle pourront servir à la fabrication de bioproduits de nettoyage, en remplacement des composés chimiques actuellement utilisés.
«Deux étudiants à la maîtrise chercheront également à extraire des molécules antimicrobiennes et antigerminatives des résidus d’écorce, afin qu’elles puissent être utilisées pour réduire la germination et l’infection des pommes de terre lors de l’entreposage», d’ajouter la chercheuse.
La professeure Desgagné-Penix s’intéresse aussi au chaga, un champignon d’aspect noirâtre qui croît sur les bouleaux et s’en nourrit. Ce champignon produit des antioxydants et des molécules anticancéreuses. «Nous voulons savoir si nous pouvons dégrader les résidus d’écorce de bouleau à l’aide du chaga, et possiblement d’autres champignons, pour produire des médicaments», rapporte la biochimiste.
Les travaux menés par la chercheuse et son équipe se déroulent en laboratoire, à petite échelle. Il faudra ensuite développer des procédés industriels pour réaliser l’extraction des molécules à partir de grandes quantités d’écorces, recueillies sur le terrain. Ce volet plus appliqué de la recherche est réalisé par des centres collégiaux de transfert de technologie – dont Innofibre – qui travaillent en partenariat avec la professeure Desgagné-Penix.
Percer les mystères des plantes médicinales
La valorisation des résidus des papetières est l’un des nombreux projets menés par Isabel Desgagné-Penix. De façon générale, cette dernière s’intéresse à la biochimie des plantes, tout particulièrement des plantes médicinales.
«Dans mon enfance, je cueillais des produits de la forêt au Lac Saint-Jean avec ma grand-mère innue, afin qu’elle puisse les utiliser pour soigner les gens. Je me demandais alors si ces remèdes fonctionnaient vraiment. J’ai toujours eu un intérêt pour les plantes médicinales et cette passion s’exprime maintenant dans mes recherches. Je veux identifier quelles sont les molécules produites par les plantes et à quoi elles pourraient servir», raconte-t-elle.
Son principal projet de recherche porte sur les plantes de la famille des Amaryllidacées, à laquelle appartiennent notamment les narcisses et les jonquilles. Ces plantes contiennent des molécules appelées alcaloïdes, dont plusieurs sont utilisées en pharmacologie. L’une d’entre elles – la galantamine – intéresse tout particulièrement la professeure Desgagné-Penix, parce qu’elle sert à traiter les symptômes de la maladie d’Alzheimer.
«Les plantes ne produisent toutefois les alcaloïdes qu’en petite quantité, signale la biochimiste. Je cherche donc à savoir comment nous pouvons manipuler les plantes pour qu’elles fabriquent davantage de ces molécules. J’explore aussi une autre voie pour augmenter cette productivité. Je souhaite implanter la recette chimique de fabrication d’un alcaloïde d’une plante dans un microorganisme, pour que ce dernier produise cet alcaloïde en grande quantité. J’ai choisi d’utiliser les microalgues comme microorganismes d’expérimentation, car elles présentent l’avantage de croître grâce à la photosynthèse, tout en absorbant le CO2 ambiant.»
La professeure Desgagné-Penix s’est jointe au Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR en 2013. Elle mène ses travaux au sein du Groupe de recherche en biologie végétale de l’université trifluvienne.