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Commémoration de Jacques Boisvert

– Hommage écrit par Alain Chalifour, Jean Lacoursière, Christian Back –

C’est avec regret que nous avons appris que le professeur Jacques Boisvert est décédé, à l’âge de 78 ans, au CIUSSS MCQ – CHAUR de Trois-Rivières, le 29 mars 2024. Le professeur Jacques Boisvert, retraité du Département de chimie-biologie de l’UQTR, a été professeur de 1976 à 2012 au sein de ce même département puis à celui des sciences de l’environnement.

Le parcours du scientifique

Jacques est arrivé à l’UQTR à la fin des années 70 à titre de professeur régulier en microbiologie. Il était détenteur d’une maîtrise en sciences de l’Université Laval et d’un Ph.D. de l’Université d’Edmonton en Alberta.  Avant de joindre le Département de chimie-biologie de notre université, dans sa ville natale, il avait obtenu un premier poste de professeur à l’Université de Moncton au NB, où il effectuait des recherches sur les maladies du homard et du saumon. Revenu au bercail, il a formé, avec Guy Charpentier, la première équipe de microbiologistes à l’UQTR. En 1980, ils étaient parmi les premiers chercheurs au monde à étudier le Bti, un insecticide biologique révolutionnaire qui visait le contrôle des larves de moustiques et de mouches noires, tout en réduisant les impacts sur les organismes non-cibles.

Le laboratoire de Jacques est devenu un pôle de recherche sur les insectes piqueurs qui a rapidement rallié de nombreux étudiants et collaborateurs. Cette équipe a réalisé des expériences innovantes au laboratoire et sur le terrain, dont les résultats ont été partagés avec la communauté scientifique internationale et ont suscité l’attention des autorités en santé publique.

À partir de 1985, l’Organisation Mondiale de la Santé a financé les recherches du laboratoire, en appui au Programme de Lutte contre l’Onchocercose en Afrique de l’Ouest. Cette collaboration sur le Bti avec le programme OMS-ONCHO, qui s’est échelonnée sur 6 ans, a permis à Jacques et à son équipe de réduire les impacts environnementaux des opérations de contrôle des mouches noires tout en maintenant l’efficacité de ce programme qui a sauvé de la maladie plus de 3.5 millions d’enfants en Afrique de l’Ouest.

La reconnaissance internationale s’est manifestée en juillet 1986 avec la tenue à Trois-Rivières de la Deuxième Conférence Internationale Francophone d’Entomologie, incluant un Colloque sur le contrôle des mouches noires organisé par le laboratoire de Jacques, qui a réuni pendant une semaine plus de cent chercheurs, dont des sommités, venus de toute la Francophonie.

L’ensemble de ces recherches sur le Bti reposait en grande partie sur des expériences menées à l’UQTR et à la réserve St-Maurice, devenue, au fil des ans, le « fief expérimental Boisvert », son paradis caché en toutes saisons. Sous la gouverne de Jacques, de nombreux étudiants et chercheurs invités en ont fait leur terrain d’expérimentation, jusqu’à la fin des années ‘90.

Dans la seconde moitié des années 90, Jacques et une équipe de collaborateurs ont aussi initié un projet visant à développer au Vietnam une approche communautaire du contrôle de la dengue hémorragique, un virus transmis par les moustiques. Le gouvernement canadien a financé ce projet, réalisé en collaboration avec l’Institut Pasteur du Vietnam.

Au début des années 2000, Jacques a enchaîné avec des projets de recherche sur les insectes piqueurs en Suède, en collaboration avec Jean Lacoursière, son étudiant de la première heure, collaborateur au Vietnam et maintenant professeur établi près de Lund en Suède. Ce projet visait à étudier les comportements et les perceptions lors des interactions humains-insectes piqueurs, ce qui montre bien à quel point Jacques était un chercheur polyvalent.

En 2004 Jacques a aussi participé à la publication, en collaboration avec Jean-Pierre Bourassa, d’un livre dédié au grand public sur un nouvel arrivant, le virus du Nil occidental.

Jacques Boisvert (à droite) et son collègue Jean-Pierre Bourassa.

Ces dernières années, à la retraite, Jacques restait au fait de tous les travaux sur le Bti, et il était fréquemment consulté sur le sujet, à titre d’expert de niveau international.

Parlons maintenant de l’homme

Au laboratoire, Jacques était rigoureux, méticuleux, inventif, toujours respectueux et ouvert aux nouvelles idées et aux opinions de ses collaborateurs.

Jacques était un chef d’expéditions scientifiques aguerri, un planificateur à toute épreuve, un intendant qui assurait le gîte, le couvert et l’hydratation de ses troupes, que ce soit à la réserve St-Maurice ou sous les tropiques.

Pour tous ceux qui ont eu le privilège de travailler avec lui, les grands moments demeurent les événements festifs du laboratoire qui favorisaient les liens au sein de l’équipe, mais aussi et surtout les voyages en groupe pour participer aux congrès internationaux. Jacques, parfait bilingue, brillait par sa facilité à lier la conversation, par son flair pour dénicher les bonnes présentations, ainsi que les opportunités scientifiques, et surtout par son talent à collectionner toutes les bébelles promotionnelles du show commercial. Son bureau était devenu une caverne d’Alibaba renfermant les souvenirs, les curiosités de voyage et aussi les blagues entomologiques qui parsemaient ses murs pour faire sourire les visiteurs que nous étions quand nous allions piquer une jasette ou quérir ses bons conseils.

Jacques nous manque déjà, unique et irremplaçable, mais son accompagnement et ses attentions continuent d’être un modèle à suivre qui alimentent nos vies. Il fut un ami et un mentor exceptionnel.

Au revoir, Jacques