Conférence donnée par Naïma Hamrouni dans le cadre de la Journée mondiale de la philosophie, organisée par la Société de philosophie des régions au cœur du Québec (SPRCQ) en collaboration avec le Département de philosophie et des arts et le Syndicat des professeures et professeurs de l’UQTR.
À travers les différentes éthiques de la vulnérabilité formulées depuis les dernières années, une tendance se dessine. La vulnérabilité y est conceptualisée comme une condition négative, qui affecterait plus spécifiquement certaines catégories de population, et qui commanderait l’obligation morale de protéger, soutenir ou accommoder. Or, cette représentation de la vulnérabilité dite «particulière» à certains groupes comporte des effets pervers. Elle alimente la stigmatisation des membres de groupes minoritaires, contribue à leur «minorisation», maintient le rapport traditionnel «expert versus patient», justifie l’adoption d’attitudes et de mesures paternalistes à leur égard, et entretient paradoxalement le phénomène moralement problématique de distanciation. Je soutiendrai dans cette présentation que si l’éthique de la vulnérabilité doit représenter une alternative sérieuse aux éthiques libérales dominantes, lorsqu’il s’agit plus précisément de repenser les principes normatifs qui guident l’organisation des institutions sociales (du marché du travail aux institutions de la santé et des services sociaux), elle doit délaisser cet usage convenu de la vulnérabilité comme condition «particulière», et se réapproprier le concept de vulnérabilité ordinaire. Le potentiel critique du changement de perspective ouvert par une éthique de la vulnérabilité ordinaire sera mis en lumière à travers la considération d’un enjeu d’actualité: l’égalité entre les sexes sur les lieux de travail.