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Les soignants en CHSLD vivent de la souffrance au travail

Selon une étude menée en Abitibi-Témiscamingue

Au cours des dernières années, Isabelle Lacharme, étudiante au doctorat en psychologie à l’UQTR, s’est intéressée aux difficultés vécues par les soignants en centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), en Abitibi-Témiscamingue. Ses travaux de recherche lui ont permis de constater que, dans ces milieux de travail, la souffrance psychologique est omniprésente et contient des éléments de douleur physique, de stress, de fatigue et surtout, de violence.

Mme Isabelle Lacharme (à gauche), étudiante au doctorat en psychologie (recherche en ergonomie), en compagnie la professeure Liette St-Pierre du Département des sciences infirmières de l’UQTR. (photo : Daniel Jalbert)

Mme Isabelle Lacharme (à gauche), étudiante au doctorat en psychologie (recherche en ergonomie), en compagnie la professeure Liette St-Pierre du Département des sciences infirmières de l’UQTR. (Photo : Daniel Jalbert)

La chercheuse a obtenu ces résultats en réalisant une étude ergonomique auprès de 35 soignants (infirmières, auxiliaires, préposés) dans trois CHSLD. Les participants ont répondu à des questionnaires et ont été rencontrés lors d’entretiens individuels et collectifs. Ils ont aussi été observés par la chercheuse, pendant leur travail. Mme Lacharme a mené cette étude sous la direction de la professeure Liette St-Pierre, du Département des sciences infirmières de l’UQTR.

La violence, premier élément de souffrance

Les résultats de l’étude font ressortir que la violence individuelle et collective est au cœur de la souffrance des soignants. Cette violence peut prendre différentes formes : «Il y a d’abord la violence des patients envers les soignants, qui s’observe de façon fréquente. Cette violence peut être physique, par exemple lorsque des patients crachent, griffent, mordent, font des touchers à caractère sexuel ou lancent des objets aux soignants. Elle prend aussi une tournure psychologique, notamment avec l’acheminement de fausses plaintes à la direction au sujet de certains soignants», rapporte la doctorante.

Inversement, les cas de violence de soignants envers les patients s’avèrent exceptionnels. «Au cours de mes années de recherche, ce type de violence n’a été observé qu’une seule fois. Pourtant, les médias traitent surtout des cas de violence de soignants envers les patients de CHSLD. Il faudrait aussi rapporter les situations inverses, qui sont quotidiennes», note Mme Lacharme.

La chercheuse a également constaté que des soignants expriment de la violence envers leurs collègues, de manière physique (poussées, écrasements des orteils, etc.) ou psychologique (humour méchant, isolement volontaire d’individus, ignorance des demandes d’aide, etc.). De plus, des clans se forment au sein des équipes de travail, menés par des personnes imposant leurs points de vue et déléguant une partie de leurs tâches aux autres.

Selon la chercheuse, les principaux déterminants de la violence au travail sont organisationnels. «Les soignants deviennent violents parce qu’ils sont insatisfaits de leurs conditions de travail et se sentent peu écoutés de leurs supérieurs. Ils sont encouragés à dénoncer leurs collègues fautifs, mais ce n’est pas une solution, car cela favorise les actes de vengeance.»

CampusExpress131205Stress, fatigue et douleur

Le stress se révèle le deuxième élément de souffrance des soignants en CHSLD. «Le stress d’anticipation du travail s’avère plus élevé que le stress au travail. De plus, lorsque la fatigue s’ajoute au stress, l’épuisement professionnel guette les soignants. Ce sont surtout les horaires de travail – sept jours sans interruption – qui causent la fatigue chronique de ces travailleurs», constate Mme Lacharme.

La chercheuse ajoute que chez les soignants en manutention de patients, la douleur chronique s’accompagne souvent de souffrance. «La configuration des lieux et les équipements insuffisants ou déficients peuvent être à l’origine de blessures musculosquelettiques chez les soignants. De plus, l’application d’une philosophie de soins ne limitant pas les exigences des patients contraint souvent les soignants à utiliser des techniques de manutention non ergonomiques», mentionne-t-elle.

Des solutions

Pour soulager la souffrance des soignants des CHSLD à l’étude, Mme Lacharme a proposé plusieurs solutions. Certaines sont déjà en cours, comme la réorganisation physique des lieux de travail et l’amélioration du matériel utilisé par les soignants. Des discussions sont aussi menées sur la possibilité d’améliorer la répartition de la clientèle et des équipes de soignants. De plus, un projet d’aménagement des horaires de travail est négocié avec les syndicats.

«En ce qui concerne la violence des patients envers les soignants, il faut appliquer une politique de tolérance zéro, affirme la chercheuse. Pour ce faire, les familles des patients et les médecins traitants doivent être mobilisés. Les cadres et les soignants doivent aussi être plus vigilants et moins permissifs. Des sanctions devraient pouvoir s’appliquer à tout manquement.»

Mme Lacharme poursuit sa collaboration avec les CHSLD étudiés, en les accompagnant dans la mise en place de changements efficaces et durables. «Le rester au travail en santé devrait être une priorité pour les soignants et pour leurs employeurs, partout au Québec. Je souhaite donc sensibiliser le gouvernement à cette réalité, dont il faut s’occuper sans tarder», de conclure l’étudiante.

Une situation préoccupante

L’étude menée auprès de soignants en CHSLD en Abitibi-Témiscamingue révèle que :

31 % ont été en arrêt de travail pendant l’année 2010
60 % ont subi de la violence physique et/ou de l’intimidation au travail
46 % vivent du stress au travail
51 % sont en situation d’épuisement professionnel (stress et fatigue)
91 % éprouvent des douleurs physiques (principalement dos et épaules)

 

La souffrance au travail atteint :
37 % des soignants par la violence
26 % des soignants par le stress au travail
20 % des soignants par la douleur chronique
17 % des soignants par la fatigue chronique