Comprendre le fonctionnement du discours de la haine est très certainement une tâche urgente, mais la philosophie du langage peut-elle y contribuer ? J’examinerai deux mécanismes linguistiques utilisés par ce genre de discours : la péjoration, qui va de la simple injure au langage génocidaire – cibler une communauté et la déshumaniser en utilisant des termes comme « rats », « coquerelles », etc. – et les « génériques », ces énoncés sans quantificateurs comme « Les musulmans sont terroristes », qui servent à exprimer des stéréotypes racistes. D’autres phénomènes comme le « sifflet à chien » ou « dog whistle » méritent examen, mais ne pourront être discutés.)
Sur ces phénomènes, les philosophes du langage se divisent en deux clans, « représentationnalistes » et « inférentialistes ». Après avoir présenté les grandes lignes de ces approches, je développerai un argument en faveur de cette dernière, en montrant que les approches « représentationnalistes » sont incapables de reconnaitre que la source du problème puisse être dans le langage même, rejetant la faute de ces usages néfastes sur les utilisateurs du langage. De façon provocatrice, on pourrait dire que leur position est analogue à celle des opposants au contrôle des armes à feu, qui disent que ce ne sont pas ces armes qui tuent mais les humains qui les utilisent.