L’avis psychologique

Collaboration de Sol Rivard, psychologue au Service aux étudiants et à la réussite étudiante

Différents contextes de mobilité internationale sont susceptibles de provoquer un choc. Qu’il s’agisse de la migration ou du séjour d’étude à l’étranger, on peut difficilement échapper aux turbulences! Toutefois, avant de parler de choc culturel, nous devons préciser qu’il existe un autre choc qui lui est préalable, soit celui entre le séjour imaginé avant de partir et le séjour réel. Au départ, chacun a des attentes et des ambitions. Chacun rêve son séjour, mais comme dans tout autre domaine, il existe un décalage entre ce qui est rêvé et ce qui se produit dans les faits. Ce décalage cause le premier bouleversement vécu par celui qui part à l’étranger.

140408AvispsyChocCulturelViennent ensuite les différences environnementales, administratives et socioculturelles qui sont toutes susceptibles d’ébranler le nouvel arrivant. Plus ces différences sont grandes, plus le choc culturel peut être important.

Cependant, une question se pose : comment pouvons-nous expliquer le choc culturel?

Premièrement, il faut dire que rien dans la culture ne prépare à la différence culturelle. La culture propose des représentations concernant la plupart des grandes différences faisant partie de la vie humaine telles la différence entre les humains et les animaux, entre les hommes et les femmes, entre les jeunes et les vieux, etc., mais elle n’introduit pas de questionnement quant à sa propre différence (Kaës, 1998). Autrement dit, la culture ne se présente pas à celui qui la reçoit comme étant l’une parmi les cultures, mais plutôt comme étant une donnée universelle. Ce faisant, lorsque les autres cultures sont rencontrées, cela peut être vécu par la personne comme une mauvaise surprise, voire une transgression menaçante.

Si vous avez le sentiment que le choc culturel que vous vivez est trop déstabilisant, une consultation en psychologie peut vous aider. Pour prendre rendez-vous avec un consultant, composez le 819 376-5011, poste 6056, ou présentez-vous au 1261 Albert-Tessier.

Deuxièmement, en l’absence de préparation à la différence culturelle, la personne recourt souvent à ses propres références culturelles pour interpréter les comportements des gens issus d’autres nationalités. Par exemple, imaginons que dans la culture de monsieur Y, les règles de l’amitié permettent aux invités de se servir eux-mêmes dans le garde-manger de leurs hôtes et que, dans la culture de monsieur Z, les amis en visite doivent plutôt attendre qu’on leur offre à boire ou à manger. À la longue, s’ils sont en relation, il y a fort à parier que monsieur Y prendra tout ce qu’il veut dans le garde-manger de monsieur Z et que monsieur Z attendra toujours qu’on lui offre quelque chose. Jusqu’au moment où ce dernier s’impatientera pour finalement demander à monsieur Y s’il va oui ou non finalement lui proposer un rafraîchissement. Ce à quoi monsieur Y pourra répondre que, s’il doit faire cela, c’est que monsieur Z n’est pas son ami. En effet, suivant cette logique particulière à sa culture, monsieur Y pourra penser que si monsieur Z était vraiment son ami, il se comporterait comme tel et irait lui-même se chercher quelque chose dans son garde-manger… Bref, quelle que soit notre nationalité, on ne se demande pas toujours ce que cela signifie pour l’autre, dans sa culture, d’adopter tel ou tel comportement. On ne se demande pas non plus à quoi servent, sur le plan affectif, les réponses culturelles particulières. Chacun évalue et interprète les choses en rapport à son propre bagage culturel. Et en référence à son code personnel, la réponse de l’autre peut facilement être perçue comme un rejet!

140408AvisPsyChocCulturel-2Troisièmement, il faut dire que les relations entre personnes de cultures différentes provoquent des changements chez tous ceux qui sont impliqués dans ces relations (Demorgon, 2005). Comme nous l’avons vu précédemment, les questions auxquelles les personnes de nationalités différentes doivent répondre sont les mêmes : le rapport à la nature, la différence des sexes, la différence des générations, la relation d’amitié, etc., mais les réponses à ces questions varient d’une culture à l’autre. Ainsi, quand deux personnes issues de cultures différentes se rencontrent, il faut souvent déterminer quelle réponse sera retenue. Parfois, il s’agira d’une réponse intégrale fournie par l’un et adoptée telle quelle par l’autre. Préférablement, il s’agira d’une réponse complémentaire, soit une réponse nouvelle composée des deux réponses culturelles initiales. Par contre, même dans ce dernier cas, le mélange des réponses culturelles distinctes engendre la perte de certaines particularités, de certains héritages qui en faisaient partie. Ce changement peut également être vécu négativement.

En conclusion, je crois que l’on peut comprendre le choc culturel, mais qu’on ne peut l’éviter ou en faire l’économie. Ce faisant, être prêt à y faire face signifie être prêt à transformer nos représentations et nos affects en lien avec l’expérience négative qu’il suscite (Kaës, 1998). Comme le souligne le philosophe Luc Ferry (2002), le contact interculturel requiert un travail d’élargissement de la pensée. Rien n’oblige cependant à ce que ce travail soit uniquement fait en classe. J’en profite donc pour vous rappeler que le 12 avril prochain se tiendront un mini-marathon organisé par l’Association des étudiants camerounais de l’UQTR (départ du CAPS à 10 h), ainsi que le Gala des 5 continents, une soirée proposant de la danse, un buffet et plusieurs prestations culturelles (au 1012, pavillon Nérée-Beauchemin, dès 19 h)!

Références

Demorgon, J. (2005). Les sports dans le devenir des sociétés : médiations et média. Paris : L’Harmattan.
Ferry, L. (2002). Qu’est-ce qu’une vie réussie. Paris : Grasset.
Kaës, R. (1998). Différence culturelle et souffrances de l’identité. Paris : Dunod.