Détection précoce du Parkinson: Johannes Frasnelli suit la piste de l’odorat
«Une caractéristique surprenante, mais encore peu connue, liée à la maladie de Parkinson tient au fait que la très grande majorité des personnes qui en sont atteintes présentent également un trouble de l’odorat», lance d’emblée Johannes A. Frasnelli, professeur au Département d’anatomie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). À terme, cette piste de recherche pourrait constituer une avancée majeure pour le dépistage précoce de la maladie, du fait que le trouble de l’odorat constaté chez les patients atteints de Parkinson se dévoilerait plusieurs années avant l’apparition des symptômes moteurs.
Le lien entre le trouble de l’odorat et la maladie de Parkinson est bien établi. Le professeur Frasnelli, titulaire de la Chaire de recherche UQTR en neuroanatomie chimiosensorielle, explique: «Nous savons que, dans le cerveau, les régions du traitement olfactif sont les premières à être affectées, au moins dix ans avant celles où se trouve le berceau du système moteur. L’idée serait donc de détecter assez tôt la dysfonction olfactive, que ce soit l’hyposmie [diminution de l’odorat] ou l’anosmie [perte totale de l’odorat], et d’utiliser cette information pour développer des tests de dépistage précoce de Parkinson, en vue d’intervenir et d’en stopper le progrès.»
Toutefois, il faut savoir que toutes les personnes ayant un trouble olfactif – un taux estimé à 20% de la population – ne vont pas développer la maladie de Parkinson. Le défi auquel s’attaque actuellement Johannes Frasnelli consiste à discriminer, parmi le 20% de personnes présentant un trouble olfactif, celles qui pourraient être atteintes de Parkinson. Pour le soutenir dans ses travaux, l’organisme Parkinson Canada a octroyé au chercheur de l’UQTR une subvention de 40000$.
Déterminer un profil d’atteinte chimiosensorielle
Celui-ci espère être capable de trouver, parmi les patients qui ont un trouble de l’odorat, un profil d’atteinte chimiosensorielle – c’est-à-dire qui serait lié aux sens chimiques – propre à la maladie de Parkinson.
«À la différence des autres sens – vue, ouïe, toucher – qui répondent à des stimulations physiques, les sens chimiques sont stimulés par des molécules présentes, par exemple, dans la nourriture et les parfums», précise Johannes Frasnelli. Ainsi, l’humain dispose de trois sens qui permettent la perception chimique: l’odorat, le goût et ce qu’on appelle «le système trigéminal». Celui-ci est un système sensoriel au sens propre du terme, empruntant également les voies buccales et nasales, qui permet la perception de sensations comme le piquant du piment fort, le picotement du wasabi ou le rafraîchissant de la menthe poivrée.
Contrairement aux personnes ayant une dysfonction olfactive qui atteint l’odorat et le système trigéminal, ce dernier ne serait pas affecté chez les patients souffrant de Parkinson. «Normalement, lorsqu’il y a une réduction de l’odorat, on observe également une réduction du système trigéminal. Dans le cas de la maladie de Parkinson, nous travaillons à partir de l’hypothèse que l’odorat subit une réduction, mais pas le système trigéminal. Déjà, nous avons quelques données préliminaires qui nous amènent sur cette piste», soutient M. Frasnelli, qui travaille en collaboration avec la Dr Pascali Durand-Martel du service de neurologie (CIUSSS-MCQ) et avec Parkinson Mauricie.
Les données proviennent de la première phase de l’étude, qui s’appuie sur 3 groupes tests, chacun composé de 30 personnes. Le premier groupe est constitué de patients atteints de la maladie de Parkinson, le second de personnes qui présentent un trouble de l’odorat, et le troisième est un groupe de contrôle (ne souffrant ni de Parkinson ni d’un trouble de l’odorat). Les groupes sont soumis à plusieurs tests en vue de stimuler l’odorat et le système trigéminal. Comme la prémisse de l’étude s’appuie sur le fait que le système trigéminal n’est pas affecté dans les cas de Parkinson, Johannes Frasnelli espère pouvoir faire une distinction entre les groupes 1 et 2, et ainsi démontrer qu’il est possible de cibler les personnes qui sont à risque de développer la maladie sur la base d’une dysfonction olfactive qui touche seulement l’odorat.