Collaboration: Caroline Boily – Les 29 et 30 mars, le Laboratoire de recherche sur les publics de culture de l’UQTR a été l’hôte d’un événement scientifique international, qui s’est entièrement déroulé sous forme de visioconférence, Musées en mutation. Logiques économiques, culturelles et sociales. Organisé conjointement par Jason Luckerhoff, professeur de communication et culture de l’UQTR, Bernard Schiele, professeur de muséologie à l’UQAM, et Joëlle Le Marec, professeure de communication et muséologie à l’Université Sorbonne Paris 4-Celsa, le colloque a permis de réunir une douzaine de chercheurs de grand renom du domaine de la muséologie francophone, ainsi qu’une quinzaine de candidats au doctorat et de postdoctorants. Près d’une centaine de participants des deux côtés de l’Atlantique ont pris part aux conférences.
Invité à y prononcer le mot d’ouverture, le vice-recteur à la recherche et au développement de l’UQTR, Robert W. Mantha, a souligné son appréciation de voir se dérouler, «sur le campus, un événement marqué par un tel calibre scientifique, et dont l’objectif n’était pas d’attirer le plus grand nombre de participants, mais bien de réussir à réunir les spécialistes du domaine dont la notoriété est sans égal, de manière à créer un espace de partage des savoirs en muséologie. C’est un immense privilège, pour l’UQTR, de participer à l’organisation et à l’accueil de ce rassemblement scientifique.»
Les liens qu’entretiennent les chercheurs français et québécois, depuis les années 1990, ont permis de faire émerger une pensée théorique propre à la communauté scientifique francophone. Cette pensée unique, fortement imprégnée des travaux portant sur la communication, fait aussi largement appel à l’interdisciplinarité. Cela permet à l’École française de la muséologie d’apporter un éclairage nouveau sur la façon d’appréhender les enjeux auxquels font face les musées aujourd’hui.
En réponse à l’évolution de la société d’après-guerre, soit le grand mouvement d’urbanisation, d’industrialisation, et de démocratisation de l’enseignement supérieur, les musées ont subi, comme d’autres institutions culturelles et d’éducation, d’ailleurs, des transformations qui allaient donner au public un plus grand accès aux musées, et permettre l’intégration de nouvelles formes d’expressions culturelles. La volonté de rendre la culture plus accessible, et la nécessité, pour y répondre, de présenter les musées sous des traits plus attractifs, ont inévitablement entraîné des tensions entre la mission de préservation d’un patrimoine pour les générations futures, la mission culturelle et éducationnelle et, souvent, un objectif de rentabilité.
Assurer le succès d’une exposition peut en effet faire l’objet d’une réflexion déchirante, pour les conservateurs et les dirigeants de musées. Doivent-ils s’appuyer sur des considérations culturelles ou, encore, sur des critères de marché ? Quel rôle la société donne-t-elle aux musées? Le rôle d’éduquer? Celui d’agir comme un moteur de développement économique et touristique régional? Jusqu’où la logique marchande, c’est-à-dire le marketing, la publicité, la commercialisation, les critères de rentabilité, doit teinter la conception des activités muséales ? Voilà autant de questions qui interpellent les administrateurs et conservateurs de musées, et sur lesquelles a porté cette réflexion collective, au cours des deux derniers jours.
Plusieurs acteurs importants du milieu culturel et muséal de la région ont également pris part à l’évènement, dont la directrice générale de la Corporation de développement culturel de Trois-Rivières, Nancy Kukovica, la directrice générale du Musée québécois de culture populaire, Valérie Therrien, la directrice générale de Boréalis, Valérie Bourgeois, la directrice des arts visuels du Centre d’exposition Raymond-Lasnier, et de la Maison de la culture, Marie-Andrée Levasseur, et le directeur général de la Société des musées du Québec, Stéphane Chagnon. Leur présence a permis de créer des échanges dynamiques entre les chercheurs et ces gestionnaires d’établissements culturels.
Comme l’explique le professeur Jason Luckerhoff, «les professionnels et les chercheurs sont unanimes pour considérer le fait que les musées sont en pleine mutation. Certains s’en réjouissent, estimant qu’ils sont maintenant plus accessibles, et qu’ils répondent davantage aux besoins des citoyens, alors que d’autres, par contre, critiquent sévèrement les responsables de ces institutions, qui s’inspirent de plus en plus de l’approche commerciale pour assurer la gestion des musées. Ce qui contribuerait à niveler la mission des musées vers le bas. Les chercheurs voient ainsi la nécessité de se pencher sur l’étude des tensions qui existent entre deux paradigmes: la recherche d’excellence des musées en matière de conception d’expositions pour un public averti, cultivé et exigeant, d’une part, et la nécessité de diffuser au plus grand nombre, d’élargir le public et de l’éduquer pour qu’il commence à goûter l’art et parvienne à s’en délecter, d’autre part.»
La tenue du colloque en visioconférence a permis aux organisateurs de consacrer presque l’entièreté du budget de 35 000$, dont 25 000$ ont été obtenus auprès du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, aux publications qui découleront du colloque, plutôt qu’aux frais de déplacements internationaux. Une publication en français est prévue en coédition avec les Presses de l’Université du Québec et l’Office de coopération et d’information muséale en France, ainsi que l’édition d’un livre en anglais. Ces parutions permettront de faire rayonner les travaux des chercheurs de la muséologie francophone au sein de la grande communauté scientifique internationale.